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La Thaïs de Peter Konwitschny, oiseau d’enfer

Anges déchus, les personnages de Thaïs de Massenet selon sont d'une modernité convaincante au Théâtre de Vienne.

C'est avec une certaine ironie que le metteur en scène aborde l'histoire de la scandaleuse Thaïs, courtisane convertie par le moine Athanaël puis convoitée par ce dernier. La sobriété des décors et la lisibilité des costumes permet à d'aborder ce drame dans son essence la plus pure, la réalisation de Tiziano Mancini renforçant l'esthétisme d'un bon nombre d'images fortes du plateau (les moines cénobites autour d'un monticule de terre orangée par exemple). Ici, les codes couleurs des costumes de Johannes Leiacker sont inversées : des ailes noires pour l'austérité religieuse de la pureté chrétienne, des ailes blanches et des plumes de couleurs pour les autres protagonistes voués à la perversion, Thaïs, Crobyle, Myrtale et le noble Nicias s'exhibant tels des artistes de cabaret. La direction d'acteurs est plus ou moins subtile, ponctuée de clins d'œil « à message » comme lorsque Athanaël met au défi l'héroïne, entre ses jambes, de renoncer à la décadence ou lorsqu'il décrit avec quelques facilités mal placées un univers décadent comme avec le rail de cocaïne pris par Thaïs ou encore lorsqu'il symbolise Cupidon par un jeune garçon punk.

Musicalement, la version choisie est celle de 1898, écourtée à 1h45 pour « se concentrer sur l'essentiel » selon la notice, nous laissant sur notre faim du fait d'un bon nombre de coupes hasardeuses, comme pour le divertissement de l'acte II, voire incompréhensible comme pour les deux dernières scènes entre un Athanaël amoureux et une Thaïs mourante, réconciliation des extrêmes. Le chœur Arnold Schoenberg ne sort pas son épingle du jeu même si la prestation reste honorable, alors que la direction de à la tête de l'Orchestre Symphonique de la Radio Vienne est pleine de caractère, offrant une chaleur et une intensité à la musique de Massenet, la faisant naturellement évoluer en toile de fond ou en la plaçant en première ligne, toujours au service de l'émotion sans sentimentalisme superflu.

Côté voix, la souplesse et la brillance du ténor (Nicias) répond au soprano agile d'une pleinement actrice et dramatiquement fougueuse (Thaïs), la diction de cette dernière n'étant pas toujours compréhensible dans cette captation. La fermeté du chant de (Athanaël) complète un trio de tête riche vocalement et scéniquement. Le reste de la distribution s'appuie sur le charisme vocal et théâtral des rôles principaux pour dépeindre ce drame de façon probante.

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