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Fuga Libera célèbre magnifiquement le bicentenaire de la naissance de César Franck

Le bicentenaire de la naissance de méritait bien un bel hommage discographique ; c'est le label Fuga Libera qui, faisant appel aux forces de l'Orchestre de Liège et de la Chapelle Reine Elisabeth et à une pléiade de grands solistes, nous donne le panorama le plus complet de l'œuvre de Franck, orgue excepté.

Ces deux passionnants coffrets sont à prendre comme un ensemble qui dessine l'étonnante trajectoire créatrice de . Sa musique symphonique et sa musique de chambre montrent une évolution progressive des œuvres de virtuosité d'un tout jeune musicien aux chefs d'œuvre de sa dernière décennie. Cerise sur le gâteau, quelques inédits passionneront les amoureux du Pater Seraphicus, immense compositeur que sa modestie dessert encore de nos jours. Ce n'est que justice que de lui rendre enfin la place qui lui est due.

Le jeune prodige n'a qu'une douzaine d'années quand, poussé sans doute au-delà du raisonnable par son père désireux de s'attirer des revenus grâce aux talents du jeune garçon, il écrit des œuvres de virtuosité destinées à le faire connaître : variations brillantes pour piano et orchestre, second concerto pour piano (le premier semble avoir disparu, si tant est même qu'il ait été écrit), ne manquent pas de charme certes mais sans témoigner d'une inspiration bien personnelle. C'est à vingt-deux ans que Franck compose ses premières œuvres majeures, les trois trios concertants dédiés au roi des belges Léopold 1er, le quatrième, dédié à Franz Liszt, reflètent malgré quelques gaucheries une véritable originalité créatrice, et une ambition de compositeur bien affirmée et très attentive à la forme. Presque contemporain, le très original poème symphonique « ce qu'on entend sur la montagne » confirme la puissance en gestation de l'écriture de . Mais leur auteur va ensuite cesser de nombreuses années de composer des pages marquantes pour l'orchestre ou la musique de chambre. A la fois trop pris par des travaux alimentaires comme ses leçons, rendus nécessaires par une situation matérielle précaire puis focalisé sur ses œuvres d'orgue et ses ambitions contrariées à l'opéra, il délaisse malheureusement la musique pure. De cette période intermédiaire ne ressort réellement que l'interlude, morceau symphonique de l'oratorio Rédemption ; jadis cheval de bataille des orchestres français, cette pièce somptueuse a connu une première version totalement différente de la rédaction définitive et qui figure dans le coffret de musique orchestrale, suscitant une comparaison particulièrement passionnante. Viennent ensuite à l'orchestre les deux poèmes symphoniques, les délicates Eolides, d'un raffinement extrême et le flamboyant Chasseur maudit. C'est au tournant des années 1880 que Franck, quasiment sexagénaire va produire quelques uns des plus grands chefs d'œuvre de son siècle : le torride Quintette avec piano, la sublime Sonate pour violon et piano, peut-être la plus belle partition du répertoire tout entier, puis la Symphonie et sa jumelle méconnue, l'admirable Psyché pour chœur et orchestre. Deux partitions concertantes majeures, Les Djinns et surtout les admirables variations symphonique complètent cette floraison de chefs d'œuvre. A côté des grandes pages pour orgue comme les trois chorals, cette éclosion magistrale s'achève avec le grandiose Quatuor à cordes. En complément de cette double intégrale, l'éditeur a joint l'orchestration réalisée par Gabriel Pierné du triptyque Prélude, Choral et Fugue écrit pour le piano, ainsi que la transcription pour violoncelle par Delsart de la Sonate pour violon ; aucune de ces deux adaptations n'est vraiment convaincante, surtout pas celle de la sonate d'ailleurs. Enfin, le bref ballet de l'hiver et du printemps de Hulda ne dépasse guère un niveau anecdotique.

Pour la musique de chambre, les interprètes sont issus de la prestigieuse Chapelle Reine Elisabeth, professeurs et élèves confondus. Au vrai, certaines pièces mineures ne sortent pas grandies de lectures au premier degré par des élèves certes talentueux mais pas toujours encore bien personnels. En revanche, le Quintette avec et , les Trios concertants avec , la Sonate pour violon (Gatto-Libeer) figureront désormais parmi les références de ces inépuisables chefs d'œuvre.

Pour l'œuvre d'orchestre, c'est l' qui est mis à contribution pour célébrer l'enfant du pays. Seule point curieusement faible, la version définitive du morceau symphonique de Rédemption pâtit d'une direction sans élan d'Hervé Niquet, ce qui ne fait pas trop regretter l'absence de l'œuvre intégrale qu'il a pourtant gravée. est impeccable dans les pages de jeunesse, superbement accompagné par (également convaincant dans les deux poèmes symphonies) dans Les Djinns et les Variations symphoniques tandis que la Symphonie et le rarissime « ce qu'on entend sur la montagne » sous la baguette de révèlent toutes leurs richesses. Saluons la difficile mais splendide Psyché sous la baguette de , à qui l'on doit aussi la révélation de la première version de Rédemption. L'ensemble est indispensable et mériterait d'être complété par les oratorios, y compris les grandioses Béatitudes et l'œuvre d'orgue (il est vrai très bien documentée par ailleurs) pour rappeler quel immense compositeur fut César Franck.

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