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De la fulgurance au plaisir de l’écoute avec William Blank

Compositeur et chef d'orchestre suisse, dirige sa propre musique dans ce nouveau CD monographique réunissant quatre œuvres pour petit ensemble enregistrées en première mondiale et servies par deux phalanges suisses, le (CNZ) et les .

Chacune des œuvres de cet enregistrement relève d'un dispositif instrumental particulier mettant en vedette un ou plusieurs instruments solistes. Ainsi (a)round (2017) met en scène un saxophone alto et sept instrumentistes positionnés en cercle autour de lui. Le saxophoniste () s'oriente différemment selon les dialogues privilégiés qu'il engage avec l'un ou l'autre de ses partenaires : les interventions solistes de la flûte, de la trompette bouchée, du cor, de la clarinette et du hautbois (superbe ) balisent une trajectoire en cinq séquences qui renouvellent d'autant le profil de l'écriture. Avec le cor (« Immobile ») s'affirme une dimension spectrale de l'écriture, la recherche d'accords complexes et mouvants qui constituent l'une des facettes de la musique de Blank. Si la conception d'(a)round peut faire penser à Domaines et sa clarinette aventurière, Refrain II (2015) est écrit en hommage au compositeur de Domaines, . La pièce évoque plus précisément Sur Incises pour trois pianos, trois harpes et trois percussions, une formation instrumentale que Blank revisite et dont il modifie les équilibres : dans Refrain II, la harpe amplifiée est mise au centre du dispositif, le piano plutôt percussif jouant le rôle d'interface entre l'instrument à cordes pincées et les deux sets de percussions ; les métaux y dominent aux côtés des deux claviers, vibraphone et marimba, apportant leur aura de résonance. Comme Sur Incises, Refrain II est l'agrandissement d'une pièce soliste, Refrain, pour harpe, en hommage à . On y retrouve certains gestes bouléziens – la cellule rythmique brève-longue, les attaques-résonance, les sons itératifs du marimba, le motif de chute dans le grave – et une conception d'un temps essentiellement discontinu, ménageant de longues plages où peut s'épanouir la résonance. Le son frisé sur la lame de vibraphone, qui débute l'œuvre, agit comme une sorte de signal dont les retours (refrains) rythment cette cérémonie imaginaire, empreinte de mystère et d'émotion.

OPHRIS (une variété d'orchidée sauvage) pour flûte et cinq instruments est une pièce récente (2019), commande des , un ensemble à géométrie variable né dans les années 2000, réunissant ici l'accordéon, le hautbois, le saxophone, le violoncelle et la contrebasse au côté de la flûte soliste. Le compositeur considère la pièce comme un « petit concerto » en deux parties. Musique éruptive et véhémente, geste tendu et traits acérés s'exercent dans un premier volet réservé à la flûte alto, extrêmement virtuose : ivresse de la ligne et de ses contrepoints au sein d'une écriture qui intègre les micro-intervalles et laisse se déployer de belles images spectrales. Les timbres y sont raffinés, jouant sur l'ambiguïté des sources (le son inaugural invite d'emblée à une écoute aiguë) et la fusion des couleurs. Le second mouvement fait la part belle au piccolo et à la grande flûte, l'accordéon privilégiant la pureté de ses aigus (sonnant comme une fréquence électronique) pour accompagner le piccolo ou le grain sombre de son registre grave rejoignant la raucité de la contrebasse. Le violoncelle y a aussi sa cadence au sein d'un discours extrêmement ciselé et mouvant.

Le travail du timbre et la complexité des textures, l'écriture solistique et la virtuosité instrumentale se retrouvent dans Flow ainsi que l'art de combiner ces instances au sein d'un discours fluide et bien conduit qui accueillent également les micro-intervalles. Composition d'envergure (plus d'une vingtaine de minutes), Flow est la pièce la plus ancienne de l'album (2008), écrite pour cinq instruments, trompette, hautbois, harpe, violon et violoncelle. Les instruments concourent à la texture ou se désolidarisent pour faire cavalier seul : traits solaires de la trompette bouchée (Jens Bracher), sons fendus du hautbois (Matthias Arter) et somptueuses cadences du violon (Rahel Cunz), de la harpe (Manon Pierrehumbert) et du violoncelle (Martina Schucan).

Les comme les musiciens du Collegium Novum de Zürich servent au mieux cette écriture aux couleurs flamboyantes, exigeante et risquée, liant richesse exploratoire du timbre et contrôle de tous les paramètres.

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