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Israel Galván et Niño De Elche au Théâtre de la Ville, géniale gémellité

et Niño De Elche, danseur et chanteur, papes du flamenco contemporain, se retrouvent loin de tout académisme pour une rencontre électrique et éclectique qui révolutionne le genre.

Après un délicat duo avec Marlène Monteiro Freitas et un solo envoûtant dans la chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière en ouverture du Festival d'Automne, Israel Galvan continue de nous proposer des rencontres inédites et exaltantes, comme ici avec Niño de Elche.

Mellizo Doble, littéralement « doubles jumeaux », s'amuse à redéfinir les rôles, allant toujours plus loin dans la composition musicale de son geste chorégraphique, lié et comme accordé aux chants de Niño De Elche, parfait double vocal, sans pour autant n'être qu'un accompagnateur. Bien au contraire, celui qui s'amusait à redéfinir le flamenco à l'aune de la musique électronique se fait ici aède fiévreux, allant jusqu'à l'aphonie simulée dans un des duos surréalistes où danse et chant semblent s'éteindre. Illuminé d'une mince douche de lumière ne laissant deviner que le haut de son crâne et une partie de son visage, et accompagné d'un bruit pour un long moment indistinct, Niño De Elche module sa voix sur des craquements minéraux et redessine un flamenco presque absurde.

Car de fait, cette proposition revisite les codes à la manière dont le fait l'avant-garde musicale à l'IRCAM. Plus qu'un simple spectacle, les musiques issues des demi-pointes telluriques de , écrasant avec force et finesse un sol complice et les chants de Niño De Elche s'inscrivent dans un renouveau du genre pouvant évoquer au public français tout autant Samuel Beckett que Harold Pinter. Des sons de cailloux sortis d'un Dernière bande crépusculaire à ce crâne perdu dans un liseré de lumière comme était éclairée la bouche de Not I, en passant par un humour délicat et à propos, l'absurde n'est jamais loin.

Mais les comparaisons dramaturgiques ne sont pas les seules à convoquer pour tenter de cerner ce spectacle étonnant tout autant que réjouissant. De la musique minimaliste à la musique sérielle, de celle de au piano réarrangé des premières œuvres de en passant par les vocalises de , cette géniale gémellité offre dans un artisanat ludique des moments emprunts de sacralité. Avec une économie de moyen, la danse androgyne de Israel Galván et le phrasé ciselé de Niño De Elche réinventent un monde au milieu de l'espace vide du plateau en transgressant les codes du flamenco dans un geste qui fera date.

 

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