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L’univers passionné des cantates d’Alessandro Scarlatti

Le duo et a sélectionné cinq cantates de chambre de l' »Orphée italien ». Déjà appréciés en concert à Metz dans un programme très proche, les interprètes nous offrent un florilège de ce répertoire trop méconnu.

Compositeur très prolifique, a composé une centaine d'opéras et plusieurs centaines de cantates, encouragé par l'interdiction papale de toute représentation théâtrale en dehors de la période du carnaval. Les cantates étaient chantées dans les cercles aristocratiques et lors des réunions de l'Accademia degli Arcadi, cercle poétique auquel appartenait Scarlatti à Rome et qui prônait le retour à une inspiration pastorale. C'est dans ce corpus des cantates de la maturité qu'ont puisé et pour choisir ces cinq cantates qui font assaut de théâtralité dans des genres assez différents. Comme intermèdes aux oeuvres vocales, des pièces pour clavecin seul, parmi lesquelles deux toccatas plus développées dont l'écriture dramatique rappelle celle des cantates.

Les cantates chantées ici ont été écrites pour des castrats, et c'est un répertoire qui convient parfaitement à la voix ample et chaleureuse de Al fin m'ucciderete qui ouvre le programme donne le ton et frappe par son écriture tourmentée et la violence des passions exprimées par la voix. La cantate Sarei troppo felice est bien différente : articulée autour d'une ritournelle, elle met en musique un poème du cardinal Pamphilj, premier protecteur de Scarlatti à Rome. Au milieu du programme, La lezione di Musica dévoile un aspect plus léger du compositeur ; le texte évoque avec humour les notes de la gamme. Pour terminer, la dernière cantate écrite par Scarlatti avant sa mort, Là, dove a Mergellina, nous ramène à Naples pour une douloureuse introspection teintée de désespoir, exprimée par des chromatismes poignants. La voix incomparable de Lucile Richardot décrit toute la profondeur des passions humaines avec une palette de couleurs infiniment variées. Sa grande expressivité est servie par une diction parfaite qui nous fait savourer chaque mot comme autant d'affects.

Le clavecin de n'a pas besoin du soutien d'une basse d'archet et se révèle orchestre à lui tout seul. La réalisation de la basse continue est d'une richesse inouie, pleine d'effets contrapuntiques et de dissonances expressives. Certains passages des cantates offrent au clavecin un rôle véritablement concertant, et la réalisation s'apparente alors à une partie de clavecin obligé, tenue à l'époque par Scarlatti lui-même. Dans le dernier air de Là, dove a Mergellina, le clavecin dialogue à part égale avec la voix, dans un final triomphant dont les accords riches en acciaccature soulignent les ruptures. Quant aux Toccatas pour clavecin, elles s'ouvrent sur un prélude en arpèges improvisé du plus bel effet, avant une fugue plus sage. A noter la grande qualité du livret d'accompagnement, où Philippe Grisvard lui-même signe un texte de présentation fort intéressant. Il y analyse en détail ces cantates enregistrées ici pour la première fois, et qui méritent d'être plus largement diffusées.

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