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Nouvelle Aida à l’Opéra de Rome sous la direction de Michele Mariotti

Enfin, avec un an de retard, la tant attendue Aida mise en scène par Davide Livermore est arrivée au Teatro Costanzi de Rome.

Promise pour l'ouverture de la saison 2021/22, cette nouvelle production de l'Opéra de Rome a été repoussée d'un an, offrant en remplacement au public romain la Jeanne d'Arc, dirigée par la chef d'orchestre Daniele Gatti. Entre temps a dirigé Aida à l'Opéra de Paris dans la mise en scène contestée de Lotte de Beer et pris la direction musicale de l'institution lyrique romaine depuis le mois de novembre dernier.

Le metteur en scène Davide Livemore, qui avait déjà mis en scène Aida en 2018 à l'Opéra de Sydney, propose une mise en scène colorée tout en étant dépouillée, inventive mais sans excès. Il cherche ainsi à restituer la combinaison du drame guerrier et historique avec la dimension intimiste du livret, les deux aspects indissociables de l'œuvre de Verdi. Par sa direction d'acteurs, Livemore met habilement en valeur les interprètes, exalte les masses du chœur, magistralement dirigé par Ciro Visco, et s'essaie même aux mouvements chorégraphiques avec les prêtresses qui dansent en l'honneur du puissant Ftha ou les danseurs qui célèbrent le triomphe de Radamès. Les somptueux costumes de Gianluca Falaschi évoquent une Égypte antique grandiose et fantasmée, en droite ligne avec le souhait originel du khédive Ismaïl-Pacha, vice-roi d'Égypte, commanditaire de l'opéra à Verdi en 1870. Au centre et en fond de scène trône un grand monolithe en forme de parallélépipéde, œuvre de D Wok, agence de design de spectacles virtuel. Il domine les décors bruts mais efficaces du studio Giò Forma, servant d'écran pour des projections tout au long de la représentation. Des vidéos y sont en effet diffusées en continu, ponctuant l'histoire et les changements de rythmes avec des images fantasmagoriques, variant les ambiances avec des effets visuels et lumineux, grâce aux éclairages savants de l'Espagnol Antonio Castro.

La direction de , attentive aux détails, restitue pleinement le caractère intimiste de l'œuvre avec le trio infernal Aida-Radamès-Amneris. Dès le prélude, Mariotti insiste sur la nature du drame amoureux, déjà inéluctable. Au fil du spectacle, restituant avec émotion les pianissimi, dirigeant le chant sotto voce, révélant la transparence, il souligne la naïveté des passions et leur emprise vénéneuse, travaillant sur les non-dits, le souffle retenu, mais aussi le tourbillon indicible des sentiments, exaltant les belles nuances et couleurs de l'orchestre. Extrêmement sensible à cette dimension, Mariotti s'intéresse au fait que l'histoire est racontée du côté des plus faibles, des vaincus, avec une lecture empreinte d'émotion.

En ce qui concerne cette première distribution, le rôle d'Aida est confié à la soprano bulgare . Elle donne une interprétation intense et pleine de maitrise, envoûte par ses vibrato prolongés et bouleversants, exprimant avec sensibilité un désespoir lucide et sans issue. Sa diction de l'italien manque toutefois de limpidité. Elle fait preuve par ailleurs d'une très belle présence scénique.

Habituée du rôle, en Amneris livre une interprétation forte, jouant par une extraordinaire palette de couleurs et une grande richesse d'accents pour dépeindre les tourments de l'âme de la femme amoureuse, en proie à la jalousie. On regrette cependant la diction pas toujours très claire de la mezzo-soprano.

Le ténor en Radamès livre une prestation solide bien que remplaçant au dernier moment Fabio Sartori souffrant ! A 69 ans, il parvient à restituer la fraîcheur impétueuse du jeune condottiero amoureux. L'Amonasro au visage cendré du baryton s'impose tout en retenu, la basse est très convaincante dans le rôle du roi égyptien, et plus encore l'Italien dans le rôle de Ramfis.

Crédits photographiques : © Fabrizio Sansoni-Teatro dell'Opera di Roma

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