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Vintage en diable, le retour de Albert Herring

Distribution exemplaire pour un ouvrage rarement donné de . La mise en scène, furieusement traditionnelle pour ne pas dire vieillotte, assume la dimension satirique de l'œuvre, tout en en occultant les sous-textes et les non-dits.

Paru autrefois sous un autre label, ce DVD propose la mise en scène que réalisa pour l'unique opéra-comique de Britten. Curieux objet, d'ailleurs, que ce spectacle qui n'est ni vraiment une captation scénique, ni une adaptation en décors réels, mais plutôt la reconstitution en studio et en extérieur de la mise en scène montée pour le festival de Glyndebourne de 1985. On sera saisi dès le départ par l'hyper-réalisme des décors et des accessoires, qui donne à l'ouvrage une dimension intemporelle. Ce dernier aurait pu être filmé aussi bien dans les années 40, époque de la création de l'opéra, qu'au début du XXᵉ siècle, à l'époque où l'action est visiblement censée se dérouler. Les sépias optés par le réalisateur confortent ce choix esthétique qui n'est pas sans un certain charme, en dépit du caractère vieillot et traditionnaliste de l'option de départ, qui s'attache à traiter le texte au pied de la lettre. On imagine comment une mise en scène plus contemporaine aurait traité ce qui, de toute évidence, n'est rien d'autre qu'un « coming out » qui ne dit pas son nom.

On aurait tort, cela dit, de bouder son plaisir, tant la théâtralité de l'ouvrage, une satire de la société anglaise bien-pensante, est servie avec talent et compétence par de formidables chanteurs-acteurs. On retrouve d'ailleurs tout ce que l'Angleterre des années 1980 comptait de mieux, autant chez les vétérans que chez les chanteurs alors appelés à faire carrière. Chez les premiers, on notera la formidable performance des mezzos et , dans le rôle respectivement des redoutables Lady Billows et Mrs Herring, ainsi que du baryton . Belles performances également de la part de , encore soprano à l'époque, et de la basse . Chez les plus jeunes, on chavire devant les beautés vocales proposées par la soprano en Mrs Wordsworth, en Nancy et surtout dans la partie du bellâtre Sid. Dans le rôle central d'Albert Herring, le ténor crève l'écran par la vérité de son jeu et de son chant, même si l'on pourra sourciller à l'écoute d'un timbre nasillard, pour ne pas dire franchement désagréable. Ténor anglais, nous dira-t-on… À la tête d'une sélection d'instrumentistes du , dirige avec maestria une partition brillante et virtuose, dont la verve rossinienne évoquerait presque le Falstaff de Verdi. Un spectacle quelque peu décalé, donc mais infiniment délectable.

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