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Nadine Sierra, bouleversante Violetta à Bastille

Après sa Lucia au MET, la soprano retrouve sur la scène de l'opéra Bastille pour cette reprise de la Traviata qui n'a rien perdu de sa verve, entourée pour ce nouveau millésime 2024 de (remplaçant René Barbera souffrant) et de .

Lucia, Gilda et maintenant Violetta, voilà le parcours d'une rare droiture de la soprano américaine pour laquelle le rôle de la célèbre courtisane n'a maintenant plus de secret : prise de rôle en 2021 au Mai musical florentin, confirmation au MET en 2022 et aujourd'hui à l'Opéra Bastille dans cette reprise de la superbe production de 2019 mise en scène par , qui associait Pretty Yende et Benjamin Bernheim dans sa mouture initiale.

Il faut bien avouer que parmi les productions opératiques, rares sont celles susceptibles de réunir de tels atouts : une distribution vocale superlative et homogène, un orchestre et une direction capables de développer des couleurs et des nuances infinies, une mise en scène d'une rare intelligence dont avait déjà utilisé le principe numérique dans sa Lucia au MET de New York avec la même .

D'une grande lisibilité qui éclaire le cheminement du drame par ses annonces sur grand écran, cohérente malgré quelques outrances, fidèle au livret, moderne et connectée, la mise en scène de Simon Stone fait de Violetta une influenceuse soumise aux heurs et aux malheurs des réseaux sociaux, utilisant force vidéo, SMS, selfies, post, likes, et autres stories. Une transposition contemporaine qui sied comme un gant à la soprano américaine friande de ce genre d'exercices sur Instagram notamment. La scénographie de Bob Cousins se décline en quatre tableaux principaux : une boite de nuit parisienne illuminée par les éclairages colorés de James Farncombe à l'acte I, lieu de la rencontre des deux amants lors du célèbre toast ; un décor champêtre très épuré où se joue le drame de la rupture et un bal costumé chez Flora qui met en avant les costumes très colorés d'Alice Babidge à l'acte II ; une blafarde salle d'hôpital à l'acte III. Tout cela s'organisant dans une vertigineuse et dramatique fuite en avant portée par une convaincante et précise direction d'acteurs, sans temps morts depuis la fête initiale jusqu'à l'agonie poignante de Violetta dans un décor blanc dépouillé avant que la courtisane ne disparaisse, in fine, entourée de brumes célestes dans un rai de lumière rédemptrice…

Dans la fosse, conduit l'orchestre en sculptant la musique à pleines mains avec une grande douceur empreinte de nostalgie, suivant au plus près la dramaturgie, dans un équilibre souverain avec le plateau, sur un tempo assez lent – que lui autorisent les chanteurs – mettant au jour d'infinies nuances qui exaltent l'émotion.

La distribution vocale ne souffre aucun reproche, dominée par la bouleversante dans le rôle-titre qui impressionne par son incarnation vocale et scénique arguant d'une puissance et d'une projection phénoménales, d'un large ambitus depuis des aigus, stratosphériques ou subtilement filés, jusqu'à des graves bien timbrés, faisant jaillir de son chant de magnifiques couleurs et un émouvant legato à faire pleurer les pierres, portés par un souffle qui semble inépuisable. Face à elle, qui a repris le rôle d'Alfredo au pied levé, séduit par son timbre de velours et son sublime legato qui lui vaudront une large ovation aux saluts. , incontournable baryton verdien, incarne un Giorgio Germont admirable dans un « Di Provenza », associant charisme, autorité, humanité et bienveillance. Les rôles secondaires ne sont pas en reste qu'il s'agisse de (Flora), de Maciej Kwasnokowski (Gastone), d'Alejandro Balinas-Vieites (Douphol), ou de Florent Mbia (Obigny) sans oublier Vartan Gabrielian (le médecin) ni le magnifique Chœur de l'Opéra de Paris, participant tous d'égale manière au succès mérité de cette éblouissante production.

Crédit photographique : © Vahid Armanpour / Opéra national de Paris

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