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Bintou Dembélé et les Indes galantes à La Seine musicale : une rencontre décevante

Pour le concert chorégraphique Les Indes Galantes-De la voix des âmes, la surprise n'était pas là où on l'attendait. Le chef Leonardo García-Alarcón et son ensemble , jouant sur instruments d'époque, ont attiré tous les regards.

Premier opéra-ballet de , créé en 1735 à Paris, à l'Académie royale de musique, Les Indes galantes (livret de ) ont fait l'objet de nombreuses adaptations. Beaucoup se sont cassé les dents à vouloir moderniser ce chef d'œuvre de la musique baroque. On se souvient des Indes Galantes montées à l'Opéra Bastille en 2019, dans une mise en scène de Clément Cogitore, réalisateur d'un premier film inspiré de cet opéra. Un spectacle qui avait divisé le public, et qui était déjà chorégraphié par , laquelle avait importé les danses urbaines, notamment pour la célèbre Danse du Grand Calumet de la Paix de l'entrée des Sauvages. Le documentaire Indes galantes réalisé en amont par Philippe Béziat avait néanmoins su montrer la genèse et l'intéressant travail de recherche de la chorégraphe, figure majeure du hip-hop en France, attachée aux collaborations avec des artistes d'horizons divers.

Si, comme à l'Opéra Bastille, on retrouve l'excellent chef d'orchestre Leonardo García-Alarcón à la baguette pour diriger le dont il est le directeur, ainsi que son ensemble , l'intégralité de la direction artistique a cette fois-ci été confiée à , en plus de la chorégraphie. Pour ces Indes Galantes un peu raccourcies (2 heures 45 tout de même !), point de décors imposants comme à l'Opéra Bastille. Dans l'Auditorium de la Seine Musicale, seul un grand écran ovale, sur lequel des effets lumineux sont projetés, monte et descend au gré des entrées, cachant régulièrement les sur-titres pourtant bienvenus pour les novices. Celui qui aimante les regards, dès le début, c'est le chef d'orchestre Leonardo García-Alarcón : pieds nus, d'abord dos au public puis face à lui, bondissant, dansant presque, il semble vivre littéralement la musique avec l'ensemble de son corps. Il dirige du clavecin, là aussi en bondissant régulièrement de son siège pour s'adresser à son orchestre, voire en marchant lorsque les techniciens viennent à bouger son instrument ! Pour cette réinterprétation des airs principaux des Indes galantes, la n'utilise que des instruments originaux de l'époque de Rameau ou des copies conformes : clavecins donc, mais aussi violons montés avec des cordes en boyau et non en métal comme c'est le cas aujourd'hui, flûtes en bois, viole de gambe, flageolet, etc. Ces particularités donnent une sonorité enlevée, particulière, très proche de celle que pouvait entendre lorsqu'il a composé cette pièce.

Côté mise en scène, a choisi de brouiller les pistes : les chanteurs sont régulièrement placés dans le public, les danseurs entrent ou repartent depuis la salle, ou se mêlent aux chanteurs du chœur qui peuvent reprendre quelques gestes chorégraphiés. Les parties dansées, plutôt virgules du spectacle qu'éléments centraux, prennent la forme de mini battles mettant en avant les prouesses d'un danseur ou d'une danseuse, de cercles-rondes ou de grands mouvements d'ensemble. Elles peuvent aussi souligner des passages comme l'orage, représenté par des roulades au sol et des flashs de lumière blanche assez réussis. Cette fusion entre la délicatesse du baroque et l'énergie brute des danseurs de , entité créée en 2002 par Bintou Dembélé, apportent du dynamisme à cet opéra-ballet de près de trois siècles, mais laisse un peu sur sa faim. Les ressorts et les idées semblent être les mêmes que ceux déjà présentés en 2019 par Clément Cogitore. En revanche, le et les solistes , Matthias Vidal, la soprano dans le rôle d'Emilie et la voix de basse d' séduisent particulièrement. Malheureusement, ils ne sont vraiment pas mis en valeur par leurs « costumes de scène » qui semblent tout droit sortis du rayon le moins sélectif d'un magasin de vêtements de seconde main !

Finalement, les vraies stars de ce spectacle sont la musique de Rameau, les instrumentistes et les chanteurs. Comme quoi, il n'est pas toujours nécessaire d'avoir une mise en scène disruptive pour apprécier les œuvres du passé.

Crédit photographique : © Christophe Raynaud de Lage

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