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Délicieuse Psyché d’Ambroise Thomas ranimée par Bru Zane

Encensé à sa création, cet opéra-comique de l'auteur de Hamlet et de Mignon est rapidement tombé dans l'oubli. Voici un très bel enregistrement sous la baguette de qui vient réparer une injustice : la musique de Psyché est un ravissement, de la première à la dernière mesure et elle mérite amplement d'être réhabilitée.

Créée en 1857, l'œuvre a remporté un succès immédiat et durable. Même Berlioz, parfois si féroce, a été enchanté par la partition. Tout y est de bon goût, léger, varié, et même presque deux siècles plus tard, on devine l'inventivité riche et raffinée très au-delà de tout reproche d'académisme. Dans son excellente présentation, Alexandre Dratwicki, directeur artistique du , analyse les influences italiennes (indéniables), françaises et allemandes de façon assez convaincante. Il aurait pu aussi montrer celles de Boieldieu, d'Auber, et également les germes que recèle l'ouvrage pour les Gounod et Bizet à venir.

Psyché est un opéra-comique de facture parfaitement traditionnelle, avec ses personnages sérieux ou dramatiques, sans devenir tragiques, et leurs opposés un peu drôles (de demi-caractère) sans être bouffes non plus. Le succès a entraîné des adaptations, des réécritures, et en 1878, pour entrer à l'Opéra, il a fallu refondre les actes, réviser un certain nombre de numéros, transposer pour de nouveaux artistes, supprimer les dialogues parlés… Quelle Psyché fallait-il alors ressusciter pour cet enregistrement : celle de 1857 ou celle de 1878 ? Alexandre Dratwicki a fait le choix d'une version mixte, en conservant les dialogues de la version 1857 (même raccourcis), en gardant les airs les plus virtuoses de 1857 mais en prenant quelques passages revus en 1878, mûris, parfois plus audacieux, qui étaient destinés pour le Palais Garnier. Le résultat, pour celui qui découvre cet opéra, est tout à fait convaincant. On sourit de bon cœur dans les scènes un peu comiques, on frissonne et on fond dans les airs et les duos amoureux, on est admiratif à l'écoute de certains chœurs vaporeux ou dramatiques, et toujours on est charmé par le beau chant.

Pourquoi une aussi belle Psyché, après un tel succès, est-elle tombée dans l'oubli ? La réponse est simple : c'est la faute au livret. Le texte de Barbier et Carré est très bon, mais cette mythologie à l'eau de rose, convenable pour les jeunes filles de bonne famille de l'époque, n'est plus défendable aujourd'hui. On comprend mieux de quelle bienséance bourgeoise Offenbach se moquait dans La Belle Hèlène, ou Orphée aux Enfers. Maurice Tassart disait :« Carmen a tué l'opéra-comique », et c'est sans doute exagéré. En tout cas, la scandaleuse gitane a marqué en 1875 une évolution du goût du public qui a tué Psyché et ses chastes délicatesses. On ne remontera sans doute pas Psyché sur scène, et c'est donc opportunément que cet enregistrement vient rendre justice à la splendeur et la fraîcheur de la musique d'.

Avec les productions du , on a appris à connaître l' et le Chœur national de Hongrie. Ils sont toujours aussi excellents, soudés et légers, et leur enthousiasme est communicatif. C'est bien là l'intérêt majeur des prises de son « Live » lors des concerts publics. distille à la perfection l'énergie des scènes dramatiques, le piquant des scènes de demi-caractère, la fougue des jeunes héros et les langueurs érotiques. Si on arrive à croire à ce péplum lyrico-comique, c'est bien grâce à sa direction claire, précise et idéalement équilibrée. Le plateau des chanteurs est impeccable. Sensible, et en tout point charmante, accomplit cet exploit de donner à Psyché une pointe de caractère qui la fait échapper à la mièvrerie. accomplit un autre exploit : celui de donner une virilité adolescente au personnage d'Eros avec un timbre de voix dense et boisé, tout en rendant crédible sa divinité grâce à une virtuosité ailée. est comme toujours très à son affaire, et on ne lui en voudra pas de risquer en falsetto quelques notes aiguës difficiles. Dans le quatuor des personnages jaloux ou pleutres, , , Artavazd Sargsyan et sont très bien chantants, sans excès comique ni faute de goût. Dans le rôle furtif du roi, est dans la dignité qui convient. Rien ne dépare cette très belle interprétation d'un très bel opéra méconnu, et nous gagnons un bijou de plus dans le somptueux trésor constitué par le .

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