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La Scuola di Don Alfonso

Alors même que le Grand Théâtre de Bordeaux est un somptueux écrin pour la création de Mozart, rarement Cosi fan tutte aura sonné aussi sèchement, aussi compact, aussi peu nuancé. Chef symphonique inspiré, ne maîtrise pas l'espace propre au théâtre lyrique, sa course frénétique suscitant même de sérieux décalages.

Côté orchestre, les vents, particulièrement les cuivres, sont trop proéminents et la registration du clavecin étrangement indigente. Mais, déficient dans la fosse, l'esprit de Mozart est plus présent sur la scène. Pour sa première mise en scène, , proche collaboratrice de , révèle une certaine affinité avec l'univers de l'Autrichien, imposant un ton léger et délicieusement sensuel. Certes, Bastet ne renouvelle guère la perception de l'œuvre, se conformant à la règle générale depuis des lustres de la translation d'époque, l'action se situant au début du siècle dernier dans la cour d'une riche demeure inondée d'un chaud soleil incitant au flirt. Un grand réservoir d'eau occupe le centre du plateau, au point que l'on ne peut qu'admirer la dextérité des protagonistes qui parviennent à échapper au bain forcé. Ce plan d'eau par trop envahissant ne bride pas trop l'action, les chanteurs se mouvant avec naturel, faisant opportunément oublier les défaillances d'un soir des chanteuses. et ont en effet pu faire fi d'une angine qui aura légèrement refrénée leur prestation dans le premier acte, mais leur charme aura pu compenser cette carence dont elles se sont libérées dans le second acte. Bien que sa matière vocale soit trop épaisse pour le rôle et son timbre altéré, Danielle Borst campe une Despina joviale. , voix solide, et , légèrement en retrait, sont de pimpants amants. Reste , qui campe un Don Alfonso à peine plus âgé que ses « victimes » et s'avère particulièrement émouvant, imposant à travers une étonnante fragilité vocale – et peu à l'aise avec la langue italienne – un homme brisé par l'impuissance qui se joue de l'amour pour se dédommager de ce que ce dernier ne peut lui offrir. Cette interprétation subtile de philosophe frustré fait tout le prix de cette production bordelaise.

Crédit photographique : © Aude Boissaye

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