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Nouvelle production d’Ivan le Terrible de Youri Grigorovitch

La nouvelle production d' Ivan le Terrible de sur une musique de du Ballet de l'Opéra de Paris aura eu le mérite de montrer aux nouvelles générations de spectateurs, sans trop de différence avec le modèle original, ce qu'était un ballet historique au Théâtre Bolchoï dans son époque soviétique.

Créé en 1975 à Moscou, « Ivan le Terrible » est l'archétype du ballet historique officiel de l'ère Brejnev. Cette fresque en deux actes durant un peu moins de deux heures, tente (sans y arriver vraiment) de donner une idée en raccourci de la vie du Tsar Ivan IV qui unifia les provinces de la Russie en usant de la terreur, d'où son surnom de sinistre mémoire. , chorégraphe aux pleins pouvoirs pendant trois décennies dans le Bolchoï des soviétiques, a réalisé ce drame, en signant livret, chorégraphie et mise en scène. Eisenstein avait tenté la gageure au cinéma à l'aide de Serguei Prokofiev son collaborateur pour Alexandre Nevski, avec infiniment plus de talent et les déboires que l'on sait auprès de Staline qui en censura la seconde partie et mit fin ainsi au projet grandiose du cinéaste. Pour son ballet, Grigorovitch a habilement recyclé la musique du film de Prokofiev. La « Cantate Ivan le Terrible » opus 116, des extraits de la « Troisième Symphonie » op. 44 et de la « Cantate Alexandre Nevski » ainsi que l' « Ouverture russe » op. 77 ont servi avec quelques ajouts de sa part à Mikhail Tchoulaki, un ami du compositeur, sans l'accord de la succession de Prokofiev cependant. L'ensemble est très inégal. Les scènes de bataille, les chœurs d'enfants assurent un effet très spectaculaire mais trop de passages ne sont pas d'un grand soutien à la danse.

L'œuvre qui était entrée en 1976 au répertoire du Ballet de l'Opéra de Paris, peu après sa création, avec en alternance dans le rôle-titre Jean Guizerix et , puis avait été montrée par le Ballet du Bolchoï lors d'une tournée en 1991, fait l'objet d'une nouvelle production réalisée par Grigorovitch dans des décors et costumes de . Le décor est un mélange de toiles peintes à l'ancienne et d'un dispositif de tulles assez astucieux, mettant en relief sur une estrade un énorme trône surmonté d'un tableau à la Chagall. Les costumes sont plutôt réussis malgré leurs teintes assez neutres. Mais l'ensemble est prisonnier d'une chorégraphie la plupart du temps si pesante et dépourvue d'aucune espèce de charme ni de modernité que, hormis deux scènes de batailles très bien réglées et qui bénéficient du meilleur de la partition de Prokofiev, les ensembles sont d'une monotonie accablante. Les parties dévolues aux trois solistes ne manquent pas de virtuosité surtout pour les hommes Ivan () et Kourbski () qui s'en acquittent avec beaucoup de brio. Dansé avec beaucoup de grâce par , le rôle d'Anastasia ne prend vraiment de l'étoffe qu'à partir de la scène du Tombeau (dont la musique évoque celle du même Tombeau de « Roméo et Juliette ») et dans celle où Ivan pleure sa défunte, qui contient les moments de la chorégraphie où Le Riche se montre la plus à son avantage, véritablement habité par le personnage. De même, dans la scène où, déguisé en bouffon, il donne une chasse féroce aux boyards le danseur-étoile vedette du Ballet et grand favori du public, montre des dons de comédien, trop peu exploités dans son répertoire habituel. Deux autres distributions alternent avec , et et les plus jeunes , et . Le chef estonien a dirigé avec beaucoup d'efficacité cette partition protéimorphe que l'Orchestre comme le chœur d'enfants ont porté à bout de bras. Une soirée d'un intérêt historique certain mais dans l'ensemble assez pesante, et en aucun cas festive dans cette période de fin d'année.

Crédit photographique : © Icare

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