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Les Saisons de Haydn par René Jacobs

C'est avec un pur chef d'œuvre que (1732-1809) fera son entrée dans le XIXe siècle : Les Saisons, oratorio créé en 1801. Ce siècle verra les dernières œuvres de ce grand génie et, à sa fin, les premières d'Arnold Schönberg. Schönberg fera à son tour basculer la musique dans le XXème siècle avec une autre grande oeuvre vocale : les « GurreLieder », qu'il acheva en 1901.

Dans les cinq dernières années que Haydn consacrera à la composition (1798-1803) il offrira à la musique une succession d'œuvres maîtresses : La Création, la Nelsonmesse, Les Saisons, la Messe de La Création et l'Harmoniemesse, sa dernière création d'envergure. En 1803, sa santé, qui se dégrade depuis 1799, l'obligera à renoncer à la composition. Malgré cet état de faits, les œuvres de cette période prouvent avec éclat qu'intellectuellement et artistiquement Haydn avait encore toute sa force innovante. Dans le cas précis des Saisons, cette musique qui décrit l'Homme face à la Nature, force l'admiration. La transcription musicale de tout ce qui est observé par les personnages est d'une subtilité peu commune et, comme souvent chez Haydn, l'humour et la candeur sont présents. Cet oratorio eut pour librettiste Gottfried van Swieten, qui avait déjà collaboré avec Haydn pour La Création.

a choisi pour son interprétation la version originale de 1801. Plus qu'un bel enregistrement, celui-ci constitue un événement discographique et il faut remonter aux années soixante-dix, avec l'interprétation de Karajan, d'une toute autre conception, pour retrouver une version d'une telle teneur. Avant cet enregistrement, Jacobs avait donné de nombreuses fois, avec les mêmes interprètes, cette oeuvre en concert. Il est donc le fruit d'un long mûrissement. Tout comme au concert, le chef, les solistes, l'orchestre et les choeurs prennent possession de l'œuvre. En tout premier lieu, nous devons souligner le travail très minutieux mené avec l'orchestre par qui a fouillé la partition jusque dans ses moindres recoins. La finesse de ce travail est perceptible tout au long de cet oratorio. La « peinture musicale » que Jacobs obtient du dans l'introduction de chacune des saisons est saisissante. La force intrinsèque contenue dans la scène de la chasse, exploitée avec génie par Jacobs, est un des exemples les plus marquants du parti que le chef a su tirer de la géniale musique de Haydn. Il n'est pas inutile de signaler que cette chasse annonce les descriptions que les romantiques feront plus tard de ce sujet. Le , véritable référence dont la qualité n'est plus à vanter, est dirigé par un chef avec « une main de fer dans un gant de velours ». C'est un chant ample et souple, d'où toute grandiloquence est proscrite, que ces chanteurs nous font entendre. Les solistes, (Hanne), (Lukas) et (Simon), dont l'osmose des voix ne doit rien au hasard, jouent à la perfection leurs rôles de témoins et de commentateurs du grand spectacle de la Nature qui se joue devant eux.

En choisissant, pour illustrer le boîtier de présentation, des tableaux de Nicolas Poussin représentant chacune des saisons, l'éditeur a donné une touche qualitative supplémentaire à cette magnifique réussite artistique.

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