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Des adieux de maîtres

Avec cette traditionnelle reprise de clôture du Festival d'opéra de Munich se terminaient conjointement les mandats d'intendant de Sir Peter Jonas et de directeur musical de .

À la tête de l'institution bavaroise depuis 1993, Sir Peter Jonas quitte Munich avec un bilan à faire pâlir bien des directions d'opéras ! Sous son règne, le Staatsoper peut se targuer d'avoir fait la course en tête des maisons lyriques allemandes par la variété des répertoires proposés et l'attention portée aux distributions ainsi qu'aux chefs d'orchestre. Les reprises avec des chanteurs encore peu connus étaient aussi soignées que les premières avec les grandes stars internationales. Côté mise en scène, tout n'était pas, loin s'en faut parfait, mais par rapport aux délires provocateurs et autres élucubrations visibles sur certaines scènes allemandes, le travail de , David Poutney, Martin Ducan et , les fidèles scénographes de la maison, pouvait presque paraître comme scrupuleux envers les œuvres ! Adulé des musiciens, des chanteurs du public, Sir Peter Jonas est de la trempe, désormais trop rare, des directeurs qui respectent la musique et le public. La tâche sera donc très rude pour la nouvelle direction de la maison dont le chef d'orchestre aura la lourde tache d'assurer la conduite de l'orchestre après les huit années du règne d'un Zubin Metha certes cantonné à Wagner, Verdi et quelques autres «gros» opéras du répertoire, mais dont le charisme et le métier chauffaient à blanc l'Orchestre d'Etat de Bavière. Les liens tissés par les deux hommes auprès de l'ultra bourgeois public munichois étaient profonds et sincères comme en atteste la grosse demie heure de standing ovation et de discours qui ponctuent une représentation digne d'entrer dans la légende de la maison allemande.

En effet, c'est une véritable orgie vocale qui était offerte au public venu, comme d'habitude, occuper le moindre siège de Nationaltheater. En dépit d'un âge désormais assez avancé pour jouer le jeune premier Stolzing, reste l'un des chanteurs les plus extraordinaires de sa génération, sans égal dans les rôles de ténors wagnériens. Certes les aigus ne sont pas toujours faciles, mais la technique, la beauté du timbre, la musicalité sont simplement magistrales. Souvent pataud et maladroit dans son jeu scénique, le chanteur est ici transfiguré, vivant son rôle dans ses moindres recoins. Fidèle parmi les fidèles de l'Opéra de Munich, le baryton connaît son Hans Sachs comme sa poche. Sans forcer sa superbe voix, il campe un personnage réfléchi et fragile. Le chant est souverain, le timbre de velours charme les oreilles alors que les nuances sont toutes en finesses. Adrienne Pieczonka est une belle Eva avec une voix d'une limpidité et d'une pureté qui forcent l'admiration. est un Beckmesser engagé et touchant dans son jeu scénique alors que le vétéran se sort parfaitement du rôle de Veit Pogner. Le reste de la très nombreuse distribution s'avère du même niveau. À l'occasion de ses adieux à la scène, le grand se voyait offrir le petit rôle du Nachtwächters. En quarante sept ans d'une carrière admirable, cet immense artiste aura interprété pas moins de vingt rôles différents sur la scène bavaroise. À la fin du second acte qu'il clôt par les quelques notes de son personnage, il reçoit une vibrante et longue standing ovation avant d'être décoré par Sir Peter Jonas.

Force de l'institution munichoise, le chœur du Staatsoper fait preuve d'une homogénéité et d'une puissance fantastiques. Ce qui nous vaut un «Wach auf» d'anthologie. Galvanisé par les enjeux de la soirée, l'Orchestre d'Etat de Bavière se livre à une leçon de musique. Le galbe mœlleux des cordes, la rondeur des vents et la puissance des cuivres sont idéaux à l'image de la direction incandescente mais fine et musicale de Zubin Metha qui nous gratifie de quelques moments en apesanteur comme le prélude de l'acte III et le quintette «Selig wie die Sonne».

Face à un tel déferlement musical, la mise en scène peut paraître secondaire. Créée en juin 2004, cette production de l'homme de théâtre est d'un modernisme de bon goût. En dépit de quelques accessoires contemporains dont des jeans, des costumes cravates, des casquettes et des bermudas, ce travail sert, sans ennui, le déroulement de l'action. C'est l'essentiel dans une œuvre si complexe où le placage d'intentions peut tout ruiner.

En conclusion, les mots paraissent réducteurs par rapport à une telle vie musicale qui montre qu'avec du talent, de la compétence, du respect et de la modestie, il est encore possible de conduire une maison d'opéra sur de vertigineux sommets.

Crédit photographique : © DPA

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