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The Rake’s progress par Robert Lepage, du style, de la classe et plein de couleurs

La nouvelle production du Rake's Progress d', mise en scène par le canadien , était l'évènement majeur de la dernière saison de à la tête de La Monnaie de Bruxelles.

Virtuose reconnu et mondialement salué des images, le scénographe signe ici sa cinquième mise en scène d'opéra, après d'immenses réussites dans la Damnation de Faust de Berlioz (Matsumoto 1999, Paris 2001 et 2006, en attendant New York en 2008) et dans 1984 de Maazel (Londres, 2005). D'autre part, ce spectacle possède une dimension véritablement internationale puisqu'il est co-produit par des scènes comme l'opéra de Lyon, l'opéra de San Francisco, le Teatro Real de Madrid et le Royal Opera House de Londres, Bruxelles parvenant tout de même à s'assurer la création de ce spectacle.

Lepage et les collaborateurs de sa compagnie Ex Machina replacent l'action dans l'Amérique cinématographique des années 1950. Tom Rakewell quitte ses champs pétroliers natals pour tenter sa chance à Hollywood. Cette transposition fait d'emblée mouche, tant son esprit colle au style de l'œuvre et à la composition quasi cinématographique d'un livret endiablé. Le vocabulaire visuel et scénique du metteur en scène parvient à créer l'émotion par des gestes et des situations simples. Les gags, à l'image de l'apparition de Nick Shadow sortant d'un puits pétrolier ou d'une caravane gonflable, sont très réussis et ils servent une action qui fait voler en éclat les limites du tragique et du comique. La caractérisation des personnages, évitant toute facilité, est absolument merveilleuse. Il faut également saluer le dispositif scénique qui associe vidéo et accessoires. Pour une fois, les images sont en élément du spectacle et non, un prétexte à masquer une absence d'idées dramatiques. Sans temps morts et mené tambour battant, ce spectacle fascine du début à la fin.

Musicalement, les chanteurs suivent cette animation scénique à défaut d'être véritablement charismatiques. Grâce à un timbre séduisant et à une musicalité aiguisée, la soprano , est une merveilleuse Anne Trulove. Chanteur fin et stylé, est un bon Tom Rakewell, mais il manque de présence scénique. Il se fait manger tout cru par son âme damnée Nick Shadow, magnifiquement caractérisée par le puissant baryton William Shimel. Dans le rôle plutôt désopilant de Baba la Turque, l'illustre femme à barbe, la mezzo Dagmar Peckova, est parfaite. Le reste des personnages est distribué avec attention. Bien préparés par Stephen Betteridge, les chœurs de La Monnaie sont, comme à leur habitude, précis et homogènes.

À la tête d'un orchestre en formation de chambre, Kazushi Ono témoigne de sa profonde compréhension de cette musique : sa direction est vive, souple, cursive et acérée.

Filmé en haute définition, ce très grand et beau spectacle sera l'objet d'une édition en DVD (Opus Arte). Bel hommage pour une production qui s'impose comme l'un des plus grandes réussites de La Monnaie de l'ère Foccroulle.

Crédit photographique : © Johan Jacobs

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