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Festival Agora 2007 : Wagner’s dream sans utopie

La puissance du timbre dans l'espace est un questionnement qui est au cœur de l'opéra Wagner's dream (le rêve de Wagner) de donné en création française sur la scène du théâtre des Amandiers de Nanterre les 23 et 24 juin. 

Il sollicite les ressources de l'électronique mis au service du drame qui se joue : le processus de transformation se fait ici le plus souvent en temps réel pour garder une relation directe avec le geste de l'interprète et créer « un mode de jeu hybride et continu entre la machine et le musicien » selon le désir du compositeur.

Conçu pour un ensemble de 22 musiciens – neuf cordes, cinq bois, quatre cuivres, deux percussions, une harpe et un clavier électronique – six chanteurs, cinq acteurs, un chœur et un dispositif électronique, l'opéra s'inspire des derniers moments de la vie de et de son projet d'opéra Die Sieger (Les Vainqueurs) inspiré de la légende bouddhique de Prakriti et Ananda. Un sujet qui réunit deux personnalités imprégnées de spiritualité orientale, celles de et de Jean-Claude Carrière – co-auteur avec le Dalaï-Lama de La force du bouddhisme – dont le livret s'attachant « à faire vivre un texte bouddhique dans l'étincelle du moment de la mort de Wagner » n'évite pas un certain prosélytisme.

L'action débute, côté cour, sur l'ultime scène de ménage entre Wagner et Cosima à Venise, un moment de théâtre – soutenu par les accents de l'orchestre – dont l'hyper-réalisme vient constamment s'opposer au mystère du rêve indien. Comme Prakriti face à son amour pour Ananda, Wagner fait son choix devant la mort, préférant la perfection de l'œuvre plutôt que l'oubli de soi : « assez de l'eau insipide de Prakriti ! Je choisirai le sang de Siegfried… »

Sur une estrade en fond de scène, l'opéra bouddhiste tel qu'il est révélé à Wagner « dans l'éclair de la mort », déroule une action cette fois chantée et centrée sur les deux protagonistes Prakriti et Ananda superbement incarnés par et dont le velouté du timbre et l'aisance vocale convainquent d'emblé.

Mais cette lecture au premier degré d'une histoire que le compositeur revêt d'un chant somme toute assez traditionnel lasse et déçoit. Comme cette utilisation un peu naïve de sonorités « couleur locale » frisant la dérive exotique – la flûte basse très ondoyante, l'écho d'un raga restitué par les sons de synthèse ou « le rituel bouddhique » du chœur – font sourire plus qu'ils ne servent la dramaturgie. Si le soin accordé à l'écriture instrumentale, bien défendue par l' et son chef , assure tout au long de l'action une cohérence forte, les « effets » un peu brouillon de l'électronique comme la conception sans hauteur de la dramaturgie n'atteignent pas cette » projection imaginaire vers un ailleurs » – c'est ainsi que définit l'utopie – où « le rêve de Wagner » aurait pu nous transporter et dont nous avons été, comme lui, malheureusement frustré.

Crédit photographique : © Pekka Saarinen

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