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Une journée Penderecki à Prades

Festival Pablo Casals 2007

S'ouvrant par une conférence donnée par au cinéma Le Lido, la journée du Jeudi 9 Août rendait un hommage appuyé au compositeur polonais familier du Festival de Prades. Lors du premier concert sous la voûte romane du Prieuré de Marcevol, l'éminent violoncelliste finlandais Artos Noras interprétait six mouvements du Divertimento pour violoncelle (qui en comporte neuf) et dont trois d'entre eux étaient donnés cet après-midi en création mondiale. L'écriture de l'œuvre débutée en 1994 s'étend sur près de quinze années et constitue aujourd'hui une somme pour le violoncelle. Sous forme de Suite incluant d'ailleurs plusieurs mouvements de danse : Sarabande, tempo de Valse, Scherzo, Penderecki s'appuie sur les modèles du passé, qu'il réinterprète librement, stylisant ces pièces de caractère avec le désir évident de faire sonner au mieux l'instrument sans jamais outrepasser les limites du jeu traditionnel. Sous l'archet du maître finlandais alliant la noblesse du geste et la maîtrise du son, l'œuvre se révèle dans son équilibre formel et l'acuité de sa pensée.

Le concert avait débuté par une « mise en bouche » savoureuse et virtuose, du véritable théâtre musical lorsque Paganini rivalise avec Rossini sous les doigts du contrebassiste polonais et de l'élégant et facétieux . Il s'achevait dans une atmosphère beaucoup plus sombre voire fantastique avec « Die junge Magd » (la jeune servante), une ballade sur un poème de George Trakl écrit par Hindemith en 1922 pour voix et ensemble instrumental. Elle est chantée par la mezzo-soprano suédoise qui nous tient en haleine durant ce récit émouvant et cruel mis en relief par les commentaires instrumentaux.

On retrouvait cette merveilleuse artiste dans cinq Lieder de Schubert, cinq microcosmes dramatiques chantés cette fois dans les murs de l'abbaye Saint Michel de Cuxa lors du concert du soir. Toujours présent au côté de son épouse, y entendait cette fois son Sextuor, une œuvre crée en 2000 sous le titre de « Divertimento » pour clarinette, cor, piano et trio à cordes avec au violoncelle. Ce soir, la clarinette au bec de cristal de voisinait le cor d' dans cette œuvre en deux mouvements, d'esprit rapsodique, défendue avec ferveur par les six interprètes. Le premier mouvement initié par la répétition d'une même note installe un « moto perpetuo » traversé de fulgurances dans un discours très véhément dominé par l'esprit du fugato. Le deuxième mouvement, plus composite encore, se nourrit de contrastes et de heurts violents, reléguant en fond de scène le cor sujet à des épanchements lyriques. C'est le violoncelle d'Artos Noras qui fera finalement converger l'ensemble vers une sorte de chant funèbre assez inattendu sur lequel s'apaisent les humeurs de cette pièce sombre et chaotique.

Ivan Chiffoleau rejoignait le dans la deuxième partie du concert pour nous offrir – c'était en effet le choix du public – un des chefs d'œuvre de la maturité de , son Quintette pour deux violoncelles en ut mineur dont la concision formelle et le cheminement intérieur réclament de la part des interprètes une communauté d'âme absolue. Ce n'est hélas pas ce que l'on sentait au sein des pupitres, où des problèmes d'intonation, de mise en place et un certain flottement dans la conduite du discours perturbaient l'écoute surtout dans l'extraordinaire mouvement lent où l'introspection atteint, comme chez Beethoven, une dimension métaphysique. Peut-être manquait-il à ces interprètes d'une telle réputation quelques heures de répétition, ce qui est parfois difficile à négocier à Prades où chacun mène de front les cours à l'académie et le concert du soir !

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