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Mysticisme symphonique

Après un programme sacré proche de l'opéra dirigé par Riccardo Muti, l' se lance dans le mysticisme français du XXe siècle avec .

Et expecto resurrectionem mortuorum, pour orchestre de bois, cuivres et percussions métalliques, est fait pour ces vastes espaces – pour une fois l'acoustique de la basilique de Saint-Denis n'est pas gênante. sait trouver la juste ambiance propice à ce genre d'œuvre, dans une sorte de grandiose recueillement. Les tempi sont dans l'ensemble plutôt amples, pour permettre à chaque mélodie de s'étaler et d'envahir tout l'espace sonore. Les vents et percussions du National suivent chaque geste comme un seul homme dans cette partition hiératique. Toujours habile à ménager ses effets, Gardiner avait placé « son » dans le chœur de la basilique, derrière le public (les gradins sont inversés lors des concerts), pour les trois motets de Messiaen et Poulenc. Là non plus l'acoustique à forte réverbération ne gênait pas, permettant de profiter des harmonies subtiles du O sacrum convivium et du O magnum mysterium. Mais dans cette basilique le public est mal assis, les crampes viennent vite, le bois des sièges grince… difficile alors d'apprécier pleinement le , d'autant plus que le très contrapuntique Exultate Deo était noyé dans cette vaste chambre d'écho.

En seconde partie tout le monde se réunit pour le fameux Requiem de , dans sa version pour grand orchestre (la deuxième dans l'ordre chronologique). Brillant coloriste à l'orgue, Duruflé est un orchestrateur hors pairs, qui comme tout compositeur-organiste recrée les sonorités de son instrument à l'orchestre sans verser dans l'imitation. Remercions d'avoir imposé dans ce répertoire le basson français au son si caractéristique, à l'heure ou l'emploi du fagott se généralise. Le National rend justice à cette écriture souvent virtuose qui curieusement privilégie le pupitre d'alto dans les cordes, à qui se voit confié souvent mélodies et contrepoints quand les premiers violons n'ont que des formules d'accompagnement. Mais le triomphateur de la soirée est sans conteste le , qui excelle dans cette œuvre, avec son timbre si caractéristique des chœurs d'outre-Manche, blanc sans être monochrome, lisse sans être insipide. Les solistes, issus du chœur (hélas le programme ne mentionne pas leurs noms), ne déméritent pas. John Eliot Gardiner ne se précipite jamais et pourtant, en enchaînant les mouvements sans pause, en ménageant des effets grandioses mais non spectaculaires, il réussi à inonder ce Requiem de Duruflé d'une tension nerveuse qu'on ne lui connaissait pas, loin de l'image de l'œuvre calme et planante habituellement accolée.

Crédit photographique : © DR

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