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George Benjamin, quel maître !

Festival d'Automne

Dans le cadre du Festival d'Automne dont il était l'invité d'honneur en 2006, le compositeur et chef d'orchestre britannique dirigeait ce vendredi 5 Décembre 2008 l' dans un concert où deux de ses œuvres étaient mises «en résonance» avec celles d' et d' : deux maîtres – dont la date anniversaire des cent ans approche (10 et 11 décembre !) – qui l'attachent à plus d'un titre. Rappelons que Benjamin fut à 16 ans le plus jeune élève d' et de son épouse Yvonne Loriot. C'est dans la classe de piano de cette dernière que naît l'amitié qui lie aujourd'hui à , soliste de cette soirée et dédicataire de son Duet pour piano et orchestre donné en création française.

Très proche également d' dont il dirige souvent les œuvres, débutait le concert avec Three Occasions du maître américain : trois circonstances particulières vont donner naissance, par étapes, (de 1986 à 1988) à ce triptyque orchestral : une célébration officielle, une commémoration et un anniversaire – les noces d'or de son propre couple ! – suscitant trois types d'écriture spécifiques où transparaissent clairement, à la faveur d'une direction lumineuse, le sens aigu de l'architecture et la virtuosité de la conduite polyphonique.

De Benjamin, cette fois, Duet pour piano et orchestre instaure un rapport très singulier entre les deux protagonistes en écartant radicalement les conventions du concerto – y compris la virtuosité – que le compositeur dit redouter. Benjamin met à l'œuvre dans cette pièce d'une grande originalité sa réflexion sur le timbre témoignant d'une pensée acoustique en perpétuel devenir : pas de violons dans un orchestre drastiquement réduit mais un célesta qui ourle parfois les sonorités du piano, une harpe se confrontant avec le soliste et un deuxième «invité», la trompette guidant l'écoute à travers un parcours très contrasté où les couches rythmiques et temporelles se tuilent et se superposent dans un raffinement inouï : une écriture à la mesure de ce pianiste-concepteur qu'est conférant à cette œuvre très brève (à peine treize minutes !) une qualité d'écoute d'une intensité rare.

Ringed by the flat horizon, premier chef d'œuvre du compositeur alors âgé de vingt ans, offrait une mise en perspective intéressante du chemin parcouru jusqu'à aujourd'hui. Sollicitant l'effectif d'un très gros orchestre et d'un piano, Benjamin envisage de manière quasi plastique de somptueuses textures sonores dont l'intensité colorée n'est pas sans évoquer son maître Messiaen. Le compositeur évoque d'ailleurs la vision inspiratrice d'un ciel d'orage au-dessus du désert du Nouveau-Mexique suscitant quelques plages de temps très longs dans ce paysage sonore puissamment brossé. Des solos de violoncelle presque lyriques y ménagent cependant une dramaturgie latente qui porte l'œuvre jusqu'à un climax impressionnant. L'aisance à gérer la grande forme et la conduite harmonique déjà pleinement assumée sidèrent chez un musicien aussi jeune.

Pour célébrer celui qu'il considère comme son unique maître à penser, Benjamin avait choisi de diriger Les oiseaux exotiques d' faisant revenir sur scène son compagnon de route . Sans cordes mais avec un piano soliste et un pupitre de percussions très fourni, c'est la formation orchestrale la plus réduite qu'on puisse trouver chez Messiaen. Parmi les 48 oiseaux de différents continents qu'il fait «chanter» en une savante polyphonie, la grive des bois d'Amérique lui inspire d'éclatantes «cadences» pianistiques que le geste virtuose de Pierre-Laurent Aimard gorge de résonance et d'ensoleillement. Dans un tempo très enlevé qui préserve une parfaite lisibilité rythmique, George Benjamin et les musiciens du Philharmonique donnent à cet éblouissement de couleurs toute sa séduction sonore.

crédit photographique : © Lebrecht Music and Arts, Photo Library

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