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L’impressionnant Doktor Faust de Thomas Hampson

Busoni n'a malheureusement pas pu terminer l'écriture de son opéra Doktor Faust qu'il laissa donc inachevé à sa mort en 1924.

Complété différemment et à deux reprises, il en reste aujourd'hui une œuvre à l'apparence complexe, hétérogène voire décousue, mais originale et porteuse d'une réelle force dramatique, il est vrai que le mythe de Faust en lui-même est un formidable sujet, maintes fois utilisé. Sans doute plus difficile à monter sur scène du fait de sa complexité d'écriture et d'un nombre important de rôles (solistes et chœurs) et de dispositifs scéniques complexes, qu'à écouter et voir, elle repose principalement sur deux personnages, Faust et Méphisto, ici et , dont l'exemplaire performance donne toute sa valeur à la présente édition.

explique dans l'interview offerte en bonus, son choix quant à la partition suivie, la version complétée par Phillip Jarnach, élève de Busoni, créée à Dresde en 1925. Moins complète que la version de 1985 due à Antony Beaumont, qui réutilise plus de matériel original laissé sous forme d'esquisse par Busoni, elle a l'avantage de proposer une vraie fin à l'ouvrage, dramatiquement parfaitement en situation. Chef et orchestre s'y montrent très appliqués, d'une grande sobriété, parfois un peu trop peut-être, favorisant la lisibilité et la clarté des plans sonores et du contrepoint, il est vrai si important dans cette musique, au léger détriment de la pure animation dramatique. Mais dans une œuvre pas encore totalement entrée au répertoire, cette option est parfaitement justifiée et très bien défendue.

La mise en scène et la direction d'acteur de est une réussite sur tous les tableaux. D'abord elle est visuellement belle, agréable à regarder, bien aidée par de simples mais magnifiques décors utilisant admirablement les jeux de couleurs et d'éclairage. Elle reste sobre lorsqu'il faut jouer des quelques effets spéciaux (apparitions de personnages, de flammes etc. …) qui pourraient être plus spectaculaires, et n'encombrent jamais l'espace d'objets ou personnages inutiles. Ainsi le sujet principal, Faust et ses obsessions, reste t-il toujours au centre du dispositif. L'autre grande qualité de cette mise en scène est de jouer aussi clairement que subtilement entre la réalité et l'imaginaire, dualité essentielle dans le Faust de Busoni, où l'action se passe aussi bien dans la vie que dans l'esprit de Faust lors de son voyage imaginaire au travers des époques, intelligemment balisé par l'utilisation de couleurs primaires, en particulier le bleu (noces du Duc de Parme) et le rouge (scène des étudiants).

Mais dans cet œuvre, l'écrin musical et scénique aussi réussi soit-il ne suffit pas car tout repose in fine et malgré tout sur les épaules des deux personnages principaux. Et il faut reconnaître que cette production zurichoise nous offre deux impressionnantes incarnations dramatiques telles qu'on en voit finalement rarement et dont on peut d'autant plus profiter que la réalisation de Felix Breisach sait intelligemment alterner plans larges, moyens et gros plans, nous faisant approcher bien mieux qu'il n'est possible en salle, le cœur de l'action et les tourments des personnages. Hampson d'abord est Faust, physiquement, mentalement, musicalement ; d'ailleurs, ne répond-il pas, avec humour, dans l'interview en bonus, à la question «mais la moitié de vous est Faust ?», par «sans doute la moitié qui n'est pas Don Giovanni». Il réussit à maitriser les réelles difficultés de la partition en même temps qu'il crée un personnage crédible, au regard expressif comme rarement (merci la haute définition du Blu-Ray). A ses côté compose un Méphisto maléfique à souhait, au regard perçant et malicieux, mobile et actif comme un démon. Bref, un duo Faust-Méphisto de grande classe, dominant le reste de la distribution qui, sans être aussi mémorable, joue néanmoins parfaitement son rôle.

Aussi, quiconque voudrait avoir une version scénique de cet ouvrage pourra se tourner sans hésiter vers cette édition haute définition, qui existe également dans un coffret de deux DVD là où un seul Blu-ray suffit pour une qualité vidéo et audio (multi canal) bien meilleure, le DVD et le Blu-ray proposant par ailleurs la même piste stéréo PCM.

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