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Sans Souci et avec grâce

Festival des Musiques d'Automne

Bien qu'il ne bénéficie pas de la même couverture médiatique que Beaune, Ambronay ou Sablé-sur-Sarthe, les trois plus importantes manifestations baroques en France, le festival Musiques d'Automne en pays de Saint-Bonnet-le-Château (Loire), affiche pour sa seizième édition, du 11 septembre au 3 octobre, un programme excitant en diable. Jugez par vous-mêmes : sonates pour clavecin et violon de Bach par Pierre Hantai et (son disque Matteis chez Zig-Zag Territoires est un bijou), Haendel et Bononcini servis par , et deux soirées passionnantes ayant pour thème les Musiques festives à la cour de Louis XIV et plus étonnant, La reine Soleil par les gambistes Susie Napper et Margaret Little. Sans oublier le claveciniste Olivier Garde et l' dont il est question dans cet article.

Lilliputien en terme de budget, ce festival créé en 1993 bénéficie d'un incroyable cœfficient de sympathie auprès du public comme des professionnels (Agnès Mellon en est la marraine depuis plus de quinze ans). Il semblerait que le mot bénévole acquiert tous sons sens dans l'organisation de ces six concerts, qui jouissent d'un «relationnel énorme», dixit Louis Daurat, son président. Dégageant une bien séduisante impression de simplicité et de dynamisme, «Musiques d'Automne» se veut à l'image d'un département, hier synonyme de suie, de terrils, de labeur, de grisaille, aujourd'hui en éclatante reconversion «culturelle», la Loire. Capitale du design et de l'art contemporain, Saint-Etienne, la cité de Massenet, est le fer de lance de ce feu d'artifice culturel, avec une saison lyrique et symphonique à faire pâlir d'envie Lyon, sa meilleure ennemie.

C'est dans la chaleureuse église de Saint-Nizier-de-Fornas que l', emmené par la virevoltante Héloïse Gaillard, proposait en première mondiale le programme «Une soirée festive au château de Potsdam, le bien nommé Sans souci». Plaisant voyage dans le temps, à l'époque de Frédéric II de Prusse et de sa cour brillante. Quel plaisir de retrouver ces musiciens doués, que l'on a connus excellents accompagnateurs (de Stéphanie d'Oustrac et Patricia Petibon) dans un projet apte à dévoiler leur exceptionnelle complicité musicale? Alors que certaines formations puisent ad libitum dans le même fonds de commerce (Haendel, Monteverdi, Cavalieri… ), Heloïse Gaillard et ses compères, , , Emmanuel Jacques et exhument Quantz et Janitsch, deux musiciens quasi inconnus chez nous et rendent hommage aux fils Bach, Carl Philipp et Johann Christian. Une démarche audacieuse et originale, que l'on imagine point de départ ou aboutissement d'une recherche et réflexion musicologique poussée. N'est-il pas de notoriété publique que la plupart des partitions de Janitsch ont été détruites pendant la seconde guerre mondiale à cause des bombardements berlinois? Et que sait-on de Quantz, un des plus brillants flûtistes de son époque, professeur du roi de Prusse, qu'il n'hésitait pas d'ailleurs à critiquer vertement?

A l'écoute, ce n'est que du bonheur, des notes délicieuses et sémillantes, parfois anecdotiques ou sans ténèbres mais qui font l'effet d'un véritable baume… Ressusciter la cour de Frédéric II de Prusse, c'est plonger dans les délices d'une époque pas si lointaine, quand pour reprendre le titre d'un essai remarqué de Marc Fumaroli, l'Europe parlait français. C'est le beau XVIIIème siècle, moins «grand» assurément que le Beau siècle, mais artistiquement fécond : Versailles et feu son Roi soleil sont un modèles pour bien des souverains, ces despotes dits éclairés, amoureux de la Raison, qui correspondent avec les philosophes (Catherine II de Russie-Voltaire, Frédéric II-Diderot) et s'entourent des plus grands esprits du temps. Des copies de Versailles fleurissent un peu partout, tentant d'en ressusciter la somptueuse beauté, Schonbrunn en Autriche (Marie Thérèse et Josèphe II de Habsbourg), Tsarkoie Selo en Russie, Caserta (Italie) et Sans-Souci, en Allemagne, fastueux écrin pour les musiciens susnommés.

Il va sans dire que l'interprétation de l' n'appelle que des éloges. En première partie, Janitsch, Quantz et Carl Philipp Emmanuel Bach. En totale synergie, les musiciens trouvent le rythme, l'exacte pulsation, les couleurs et l'allant qui siéent à ces musiques gracieuses et virtuoses. Dans la deuxième partie, la plus belle, entièrement consacrée à avec son quatuor en do Majeur et le quintette en Ré majeur, les musiciens nous ont emmené loin, très loin dans un univers musical visionnaire annonçant les fulgurances mozartiennes.

Définitivement, un très beau moment de musique où quand le plaisir de l'écoute rejoint l'excitation de la découverte.

Crédit photographique : Ensemble Amarillis © M. Trémoulhac

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