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Interrogatif Pelléas à l’Opéra Comique

A la sortie de cette production de Pelléas et Mélisande qui ferme la saison de l'Opéra-Comique, on ne peut rester qu'interrogatif, tant les certitudes que l'on peut avoir à propos de ce chef d'œuvre sont bousculées.

Pelléas est aimé ou détesté. Cet opéra unique en son genre a depuis sa création ses détracteurs et ses thuriféraires. Les lectures en sont multiples, aussi bien pour la musique que pour le texte. Après Ansermet, Boulez, Karajan, Abbado, Haitink ou de Billy (entre autres) à la direction et Lavelli, Martinoty, Pelly, Wilson ou Stein (entre autres) à la mise en scène, une nouvelle version vient de naitre, qui emporte l'adhésion ou suscite l'incompréhension.

Commençons par ce qui est incontestable : la distribution. Les chanteurs ont l'âge (supposé) des rôles. et sont des Pelléas et Mélisande juvéniles. Le premier, véritable baryton-Martin, possède le timbre idéal pour le rôle, les aigus négociés en voix mixte trahissent la fragilité du personnage. La seconde, malgré une diction parfois relâchée, propose une Mélisande toute en finesse qui n'est jamais surjouée. confirme notre impression globale : ce baryton – qui reprendra le rôle de Golaud pour l'ouverture de saison de l'Opéra de Rouen – n'a pas la notoriété qu'il mérite. Technique solide, diction exemplaire, présence scénique indubitable, maîtrise du style propre à Debussy, il s'inscrit dans la lignée de , , Ernest Blanc, ou (qui fut son maître). On ne pourra que regretter la partie si courte de Geneviève, tenue par l'excellente Nathalie Stutzmann, et Dima Bawab, jeune soprano jordanienne, est une belle découverte en Yniold. a aussi l'âge d'Arkel, que l'on suppose très vieux, tant les sons sont caverneux, détimbrés et systématiquement faux. La seule fausse note d'un plateau prometteur.

La direction de laisse interrogateur. Debussy sur instrument d'époque, l'exercice est courant au piano, mais reste rare à l'orchestre. L'écriture, à la fois moderne et subtile, s'accommode-t-elle de ce pupitre de cordes réduit, sans vibrato, et de ces sonorités «vertes» (moyennant quelques couacs) des vents ? Ce qui est proposé est inhabituel, quasiment inouï, peut être un peu trop rêche et sec, dans des tempos souvent lents, mais trouve son accomplissement dans les passages les plus dramatiques (l'acte IV surtout) et éclaire une partition que l'on croyait connaître de couleurs nouvelles.

La mise en scène de laisse aussi dubitatif. On retrouve ses marottes en matière de scénographique : du béton nu et des volets en bois. Beaucoup de statisme aussi, et un texte pris au premier degré : «Voyez, j'ai les mains pleines de fleurs» et Mélisande a un bouquet de fleurs dans les mains, «Tes cheveux descendent vers moi» et Pelléas s'entoure de la chevelure de Mélisande. Un respect scrupuleux du texte aussi, on n'en attendait pas moins d'un metteur en scène de théâtre, qui épargne tout symbolisme pesant ou transposition hasardeuse. Mais qui n'éclaire en rien d'une nouvelle lecture le texte de Maeterlinck. Ce statisme glacial ne se rompt qu'à partir de l'acte IV aussi, qui devient plus théâtral et vivant.

Une production marquante, qui à l'instar du chef d'œuvre qu'elle sert, ne peut laisser indifférent : on aime ou on déteste. Une production de qualité (à condition de redistribuer Arkel) digne d'un grand théâtre lyrique.

Crédit photographique : (Mélisande) & (Pelléas) ; (Mélisande), (Golaud) & (Arkel) © Elisabeth Carecchio / Opéra-Comique

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