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Lohengrin à Los Angeles, du grand n’importe quoi !

Anvers. 1917. Les ruines calcinées, toujours fumeuses et malodorantes d'une église aménagée en hôpital aux armées, interpellent d'emblée, violemment, dès le lever de rideau.

On attend, avec une certaine anxiété, l'arrivée des forces prussiennes, celle du Kaiser, soi-même. Une autre armée, celle de ces infirmières attentives et généreuses, dont une pauvresse, Elsa, accusée d'avoir assassiné son frère, et qu'il faudra bien juger, s'agite et s'empresse auprès de cette chair à canon, aujourd'hui meurtrie, grabataire. Apparaît enfin Heinrich, casque à pointe, uniforme gris-bleu (de Prusse) qui ordonne un procès immédiat. Apparaît aussi, venu d'on ne sait où, anonyme et si peu disert, l'avocat d'Elsa, lui aussi en piteux état : balafres, entailles, bandes Velpo, prothèses flamboyantes. Voici pour l'acte I. Le II, lugubre et sinistre, comme il se doit, se jouera devant les remparts d'une certaine forteresse de carton-pâte. Il sera, comme il se doit, gros d'insinuations, de médisances, de calomnies. Les premiers instants du III travestissent notre drame petit-bourgeois (sans intérêt aucun) du I en farce courtelinesque, en batailles de polochons, où finalement, obèse et miné, avachi sur un lit conjugal de bien petite pointure, notre avocat s'avouera bientôt vaincu.

Relecture cohérente, homogène, «harmonieuse», car ( qui fut l'assistante du triste … qui sut si bien saboter son Götterdämmerung ici même en avril dernier) et Dirk Hofacker travaillent de concert, dans une même direction, dans une même intensité, avec le même amour, accompagnés et soutenus par un qui, lui aussi, privilégie alors un orchestre tonitruant, éclatant, aux à-plats tendus et stridents, bref, un orchestre… guerrier. Relecture cohérente, homogène… mais aussi gratuite, déraisonnable, extravagante et souvent saugrenue, qui jamais n'atteint au mythe, qui jamais ne ravit, jamais ne charme, comme ravirait, comme charmerait un Lohengrin enchanté, un Lohengrin de conte de fées, tout de rose ou de bleu, baigné d'atmosphères et de légendes, mythologisant… une relecture qui surtout raccourcit l'œuvre, pour la falsifier, la piétiner.

Vocalement, la fête (ou presque) : campe une Elsa fragilisée, délicate et si vulnérable (Accusée… levez-vous !). La voix, aux aigus saisissants, tendres et frêles, lumineux, aboutis, sait retenir, capter, captiver. Autre énorme prouesse, celle de qui, après avoir fait siens, depuis des années, les rôles d'Amneris, d'Eboli ou d'Azucena, s'attaque (c'est le mot !) à . La voix, de force dix, fracassante, impressionnante et qui pourrait si facilement partir dans tous les sens, demeure superbement contrôlée, également passionnelle. Zajick obtiendra en fin de parcours une standing ovation… hautement méritée. , qui fut ici même, il y a deux ou trois saisons, un roi Mark d'anthologie, s'avère une fois encore un wagnérien convaincu, de haute taille, à la voix solide et ferme, vigoureuse, tout comme le Telramund de , dont la voix coupante, acérée….. manque cependant d'une certaine noirceur, d'un certain punch. , en difficultés vocales dès les premiers instants, saura cependant, en artiste consommé, familier du rôle, s'en sortir avec mention. Véritable triomphateur (avec les solistes de Conlon) de cette soirée, le chœur du Los Angelès Opera, tantôt lyrique et sensuel, voire voluptueux, tantôt féroce et vorace, étonne, au sens premier du terme.

Crédit photographique © Los Angeles Opera

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