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Francesca da Rimini à Bastille : En fermant les yeux III

Francesca da Rimini, issue du romantisme finissant, est une œuvre fragile.

La musique délivre d'innombrables beautés, étincelant au milieu de moments plus convenus et d'indéniables longueurs. On n'y sent pas vraiment de personnalité marquante, plutôt un mélange de Wagner et de Puccini mâtiné de Debussy, les références insistantes à Tristan se situant plus du côté du pastiche que de celui de l'hommage. Le livret peine pendant deux actes et demi sur quatre avant que ne démarre l'action. Il s'agit pourtant d'une partition intéressante, si on l'aide un tant soit peu. C'est alors à grand regret que l'on constate que la mise en scène de lui a offert un enterrement de première classe.

Le parti pris de situer l'action dans des décors luxueux et grandiloquents, l'absence totale de direction d'acteurs, les costumes n'évoquant aucune époque particulière, rappellent les intentions du metteur en scène l'an dernier dans ces mêmes lieux, avec Andrea Chénier, mais l'ensemble fonctionnait encore pour le chef-d'œuvre de Giordano. Dans le cas présent, la lourdeur des décors, au mieux étouffe l'action sous un fatras même pas joli à regarder, au pire prête à rire : le jardin de l'acte I ressemble à celui de Peter Pan, le débarquement des troupes de l'acte II à un remix de Il faut sauver le soldat Ryan façon Guerre des étoiles !

Les changements entraînent de plus des entractes après les actes I et II, les moins bien dotés scéniquement et musicalement, après une demi-heure de musique. Si l'on ajoute à cela que le ténor y chante très peu, alors que tout Paris attendait avec ferveur le retour de dans la capitale, il semble assez logique que les rangs du public se clairsèment pour la troisième partie, qui dure, elle, deux actes et une heure et demie ! C'est fort dommage, car c'est alors que la musique se libère et que les décors deviennent moins envahissants.

La distribution offre heureusement de belles satisfactions. est une fort jolie Francesca, agréable à regarder, au timbre puissant et corsé, mais capable de belles nuances. revient dans une forme éblouissante, séduisant et solaire en diable, réellement «il bello» ! est un Giovanni d'une autorité souveraine. On notera aussi la plaisante Smaragdi de , et l'agréable Malatestino de William Joyner, même s'il s'étrangle un peu dans les aigus.

dirige avec rutilance un orchestre qui ne demande qu'à briller, dans une partition souvent extravertie.

Crédit photographique : (Francesca) & (Paolo il Bello) © Mirco Magliocca / Opéra national de Paris

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