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Parsifal par le Staatsoper de Munich : un vrai format wagnérien

Le Théâtre des Champs Elysées recevait pour un unique concert la production de Parsifal du Staatsoper de Munich, donnée ce soir en version de concert, prélude aux représentations munichoises des 17 et 24 avril dans la mise en scène de Peter Konwitschny.

La distribution était la même qu'à Munich, alors que la reprise d'avril 2012 verra d'autres chanteurs officier, en Gurnemanz, en Parsifal, en Klingsor et en Kundry.

L'avantage d'être privée de mise en scène est qu'on ne risquait pas d'être détourné voire perturbé par les images et que seul la musique comptait ce soir. Il fallait quand même tenir compte que l'orchestre n'était plus dans la fosse de Bayreuth pour laquelle l'œuvre a été conçue par Wagner, mais sur l'estrade avec les chanteurs, avec le risque de déséquilibre qui va avec. Et premier point de satisfaction, de déséquilibre il n'y eut point, grâce à un orchestre bien maîtrisé par le chef et à des voix remarquablement en forme qui surent se faire entendre sur toute l'étendue dynamique requise. De quoi nous faire oublier le récent Siegfried de l'Opéra de Paris largement pénalisé de ce point de vue, mais reconnaissons également que la salle de l'Avenue Montaigne, moins vaste que l'immense volume de Bastille, rapprochant les chanteurs de l'auditeur, leur (et nous) facilita également la tâche. Notons que s'il n'y avait pas de mise en scène il y avait quelques effets de perspective sonore avec l'utilisation de la coulisse pour certains chœurs (les écuyers) ou les cloches. Manifestement la qualité de perception sonore dépendait de la place de l'auditeur dans la salle, et tout le monde n'en a pas profité aussi bien. Comme de coutume avec les versions de concerts, les chanteurs entraient en scène juste avant leur intervention pour la quitter ensuite, avec quelques exceptions assez logiques lorsque, par exemple, Gurnemanz reste présent tout le premier acte, mais parfois moins logiquement lorsqu'un personnage s'adresse à un autre, et que cet autre s'est déjà éclipsé (Gurnemanz Parsifal au troisième acte). Mais en dehors de ces petits détails le ballet des allées venues était assez bien réglé.

Evidemment le public parisien attendait la performance de l'orchestre bavarois, rompu depuis toujours à Wagner, et de son chef titulaire . Avouons, et cela n'échappa à personne dans la salle, que le premier acte fut mi figue mi raisin, avec un orchestre loin d'être irréprochable, surtout au début, et une intensité paresseuse. Si on voulait faire une analogie sportive, on dirait que le coach a peut-être quelque peu remis les choses en place à la mi-temps et que l'équipe a attaqué la seconde période en bien meilleure disposition. Néanmoins , un peu à l'instar de son homologue à l'Opéra de Paris Philippe Jordan, ne semble pas être chef à mettre le feu dans la fosse, et les épisodes les plus épiques ou passionnés conservèrent une certaine réserve. Ainsi fut le début de l'acte II où l'arrivée de l'impressionnant Klingsor de John Wegner aurait pu être plus vigoureusement annoncée par l'orchestre. Et si les Filles-fleurs étaient vocalement et physiquement délicieuses, un peu plus de sensualité dans l'accompagnement n'aurait pas nuit. Chef et orchestre montèrent encore d'un cran dans toute la deuxième partie de l'acte, qui fut sans doute, d'un stricte point de vue orchestrale le sommet de la soirée. Heureusement l'épilogue, bien que musicalement plus proche de l'acte I, resta sur la même lancée et intéressa jusqu'au bout.

La belle satisfaction de la soirée fut cette distribution sans faille, où tous furent probablement proche sinon à leur meilleur. Et même si on nota un peu de fatigue vocale dans le III, en particulier chez , impressionnant Gurnemanz au premier acte, et en Parsifal, il n'y a que des félicitations à adresser à cette homogène équipe. Où sans doute l'Amfortas poignant de et le Klingsor terrifiant de John Wegner (on aimerait le voir jouer tellement il incarnait son personnage ce soir) resteront longtemps mémorables. a peut-être un timbre plus grave et mature que ce qu'on imagine habituellement pour le rôle du jeune chaste et pur, mais ce ne fut finalement pas vraiment un handicap car il réussit suffisamment à moduler la voix et son engagement fut irréprochable. Enfin le souvent ingrat car presque double rôle de Kundry (tellement la Kundry du I est différente de celle du II), où les cantatrices peinent en général à convaincre pleinement, fut tenue par dont la voix dense et pleine lui permit de remplir son contrat avec les honneurs. Petit effet cocasse, le Titurel de Steven Humes à l'irréprochable belle voix grave, se présentant comme ses camarades, non grimé, avait physiquement l'âge de son jeune interprète, et pas vraiment celui du père d'Amfortas.

Si l'orchestre peut faire encore mieux, techniquement (acte I) et musicalement (style un poil trop réservé du chef), sa performance globale sut quand même monter assez haut, mais c'est surtout la distribution vocale qu'on retiendra, pleine, homogène, et réellement de «format wagnérien» ce qui est bien réconfortant pour l'avenir (et même le présent).

Crédit photographique : © Alvaro Yanez

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