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Mats Ek, surréalisme et austérité

Une émouvante et étonnante soirée consacrée à à l'Opéra Garnier avec la reprise de deux pièces fortes du chorégraphe suédois.

Pour la reprise de La maison de Bernarda, l'une des pièces les plus fortes de , la direction de l'Opéra de Paris a choisi une distribution au cordeau. Lors de l'entrée au répertoire de l'Opéra de Paris, cette pièce familière du public de Garnier (le Ballet Cullberg étant venu plusieurs fois) avait été transmise par , créatrice du rôle de la servante. Le rôle pivot de la pièce est ici brillamment et sensuellement interprété par , qui danse le flamenco avec un air de défi. Face à elle, endosse le rôle travesti de Bernarda, la veuve, mère très stricte et castratrice de cinq filles. Toute la puissance de l'ultime pièce de Federico García Lorca est résumée dans les scènes clés du cimetière, du repas, de la présentation au fiancé et surtout de la dévotion nocturne à un Christ sulpicien.

Dans cette version que n'aurait pas renié Luis Buñuel, surréalisme et austérité se mêlent constamment. La distribution réunie ce soir-la est particulièrement brillante. Outre Bernarda et la servante, chacune des cinq sœurs révèle en effet une particularité naissante : la plus âgée, étonnante , la bossue, qui se dévoile dans un solo en académique et surtout, la plus jeune sœur, Charlotte Ranson, lumineuse dans le pas de deux avec , qui se danse normalement dans un silence absolu.

Dans la seconde pièce de la soirée, Une sorte de…, chorégraphiée vingt ans plus tard, transpose l'univers absurde et tendre de Magritte sous la forme d'un portrait de couples avec groupe. Le premier pas de deux met en scène sur le mode burlesque l'amour d'un homme et d'une femme, entre élans passionnés et soucis domestiques. et Séverine Westerman, bien qu'un peu pâlichons, s'en tirent avec humour et fantaisie. Le plus émouvant est sans doute leur danse si proche, si quotidienne, ancrée à l'avant-scène – au bord du premier rang de fauteuils.

Plus étonnant, plus intense aussi, est le second pas de deux réunissant Caroline Robert et . Ils s'aspergent notamment au pistolet à eau avant de disparaître, tête la première, dans une loge d'avant-scène ! Autour d'eux, des passantes en costumes et bibis de laine feutrée aux gestes saccadés, nerveux. L'interprétation des jeunes danseurs est éblouissante, époustouflante de virtuosité et leur énergie exploite tout le plateau pour se déployer et s'affirmer à nos yeux subjugués. Roulades, sauts, jetés, portés, l'exécution est difficile et précise – parfaite ! Fraîcheur, enthousiasme et générosité sans pareils pour cette troupe, emmenée pour cette reprise par Clothilde Vayer, maître de ballet. Bravo !

Crédit photographique : © Agathe Poupeney

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