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Festival de Saint-Denis, le retour de Semyon Bychkov

Peut-être point d'orgue du Festival de Saint-Denis 2011 par l'ampleur des effectifs requis à sa réalisation, le War Requiem de est une œuvre promise à devenir, si ce n'est déjà fait, un classique du XXème siècle, et il ne faut pas manquer les occasions de l'entendre, qui plus est lorsque la distribution est aussi prometteuse que celle réunie ce soir.

On le sait, resta à l'écart de la révolution atonale qui enflamma le XXème siècle musical tout en divisant le public de mélomanes. Il resta fidèle au style classique auquel il apporta une incontestable touche personnelle faisant de ses nombreux opus des œuvres à la fois modernes et classiques, à la sincérité authentique. Ainsi en va-t-il de ce War Requiem, créé en 1962, dédié, comme son nom l'indique, aux morts de guerre illustrés par les poèmes que Wilfred Owen écrivit dans les tranchées de la Grande Guerre avant que celle-ci ne l'emporte peu avant l'armistice. L'idée de Britten a été de confier ces poèmes, chantés en anglais, à un ténor et un baryton accompagnés d'un orchestre de chambre, alors que la liturgie classique de la messe des morts (Requiem aeternam …) est chantée en latin par une soprano, un grand chœur et un grand orchestre auxquels vient s'ajouter un chœur d'enfants.

Autant dire que la balance sonore est un premier écueil que le chef sut remarquablement gérer et que l'acoustique particulière de la basilique Saint-Denis servit plutôt bien, ce qui n'est pas toujours le cas, même si on put noter ici ou là quelques passagers déséquilibres. Le dispositif scénique avait placé la soprano à l'avant scène à droite du chef, le ténor et le baryton en retrait sur la gauche, devant l'orchestre de chambre, les chœurs occupant toute l'arrière scène. Ce léger retrait a pu parfois pénaliser les deux chanteurs face à l'orchestre, même chambriste, alors que la soprano put s'exprimer pleinement et plus confortablement.

Ainsi nous pûmes profiter, certes de sa resplendissante beauté toute en blondeur immaculée, mais aussi d'une magnifique voix à la fois douce et expressive, raffinée et puissante, sans aucun creux de timbre ni de dynamique, et son poignant Lacrimosa restera gravé dans nos mémoires. Avouons que c'était la première fois que nous entendions mais nous sommes tombés sous le charme de cette jeune slovène à la carrière déjà bien partie et qu'il faudra certainement suivre. Par contre on ne présente plus , entendu plusieurs fois cette saison rien qu'à Paris, souvent brillant en lied, parfois en difficulté à l'opéra où sa voix peut manquer de puissance. Dans cette œuvre où la sensibilité musicale l'emporte sur la force brute, il s'y montra dans son élément et sut le plus souvent transmettre la force émotionnelle du texte (son dernier lied fut particulièrement magnifique). Et si le ténor nous sembla moins directement émouvant que ses deux camarades de chant, il assuma sa partie avec talent. Quant aux deux chœurs, celui de la radio de Berlin et la , ils furent tous deux impeccables.

Tout cela a été remarquablement conduit par , qui ne chercha pas à dramatiser le discours évitant ainsi le risque de sur jouer, et qui sut parfaitement bien alterner les moments puissants et intimes dans une continuité sans défaut. Le National lui répondit avec élan et précision, trouvant des couleurs et des équilibres qui allaient à merveille à cette œuvre poignante qui se termina sur un pianissimo suspendu suivit d'un long silence recueilli du public avant que les applaudissements, plus que mérités, saluent cette fort belle et digne interprétation de l'émouvant War Requiem de . Il était également probant de trouver Bychkov à Paris après ses terribles années à la tête de l' marquées par d'innombrables déboires.

Crédit photographique : / Sheila Rock

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