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Gaubert, la redécouverte continue

Timpani nous offre la chance de mieux cerner la sympathique personnalité du compositeur (1875-1941) que l'on connaissait surtout comme chef d'orchestre, en poursuivant avec bonheur la prospection de son œuvre symphonique : après un volume n°1 ayant révélé la belle Symphonie en fa, Les Chants de la Mer, le Concert en fa, et un volume n°2 tout entier dévolu au ballet Le Chevalier et la Damoiselle, voici le volume n°3, une fois de plus dirigé par le toujours impeccable qui prend certainement le même plaisir à nous faire découvrir ces pages inondées de musique : il suffit d'écouter pour en être convaincu. Des esprits chagrins diront que cette musique n'est pas du dernier bateau ; à cela nous répondrons que le langage musical n'a pas à être nécessairement du dernier cri, du moment que l'artiste qui l'utilise le fait avec inspiration et talent, conviction et sincérité, et tel est bien le cas ici.

Les excellentes notes – comme d'habitude – d'Harry Halbreich nous font savoir que ce troisième CD nous propose ce qui reste d'essentiel dans la musique orchestrale de Gaubert, hormis le ballet Alexandre le Grand (1937) et les fastueuses Inscriptions pour les Portes de la Ville (1934) dont le matériel d'orchestre est actuellement introuvable. Au moins fort heureusement cette dernière œuvre a été gravée par le compositeur, objet d'une réédition en CD chez Alpha dans sa série « Pêcheurs de perles » (Alpha 801).

Intelligemment conçu, le programme du CD sous rubrique présente deux pages orchestrales encadrant deux œuvres concertantes. Au Pays Basque (1930) est un diptyque symphonique fort coloré dont les parties sont respectivement Au Matin dans la Montagne et Fête populaire à Saint-Jean-de-Luz. L'œuvre témoigne éloquemment de l'amour porté par Gaubert à cette superbe région de la France qui donne sur la mer, également source d'inspiration pour le compositeur : on trouve d'ailleurs vers les deux tiers de la première partie, après un début qui est un véritable lever du jour, cet éclair de lumière analogue à celui qui illuminait la troisième section Là-bas, très loin, sur la Mer des admirables Chants de la Mer.

Le Cortège d'Amphitrite (1910) montre un Gaubert déjà trente ans plus tôt en pleine maîtrise de son art, avec cette marine chatoyante et d'un raffinement si typique de la musique française du XXe siècle alors à son Âge d'Or : un vrai régal pour l'oreille et l'esprit. L'œuvre fut créée le 9 avril 1911 aux Concerts Colonne par Gabriel Pierné, ami de Gaubert.

Les deux œuvres concertantes de ce disque ont en commun leur structure traditionnelle en trois mouvements, leur côté rhapsodique et leur durée – chacune d'une quinzaine de minutes – mais également leur lyrisme, bien que le lyrisme du Concerto pour violon (1929) soit plus simple et direct que celui du Poème Romanesque pour violoncelle (1931).

À l'audition du Concerto pour violon de Gaubert, on ne peut s'empêcher d'avoir à l'esprit la belle figure musicale de Frederick Delius, lui-même auteur d'un beau Concerto pour violon défendu en son temps par Yehudi Menuhin entre autres. Le Poème Romanesque pour violoncelle fut créé le 30 janvier 1932 par le légendaire Maurice Maréchal : c'est d'ailleurs pour sa classe de violoncelle au Conservatoire de Paris, qu'il fut conçu comme morceau de concours, et la destination de l'œuvre explique très probablement la brièveté du Finale Très vif, léger qui s'achève sur une pirouette.

On ne peut rêver d'interprètes plus impliqués dans ces superbes pages concertantes que le violoniste et le violoncelliste Henri Demarquette, ayant reçu l'enseignement respectif de Josef Gingold et , illustres maîtres de l'Université d'Indiana à Bloomington ; par ailleurs – qui nous avait déjà enthousiasmé lors d'un excellent disque Timpani consacré à Guy Ropartz – peut s'enorgueillir d'avoir en outre étudié avec trois légendes françaises du violoncelle : Pierre Fournier, Maurice Gendron et Paul Tortelier. Avec un tel héritage, le résultat ne pouvait qu'être éblouissant ! et illuminent de leur sensibilité vibrante et frémissante les deux pages concertantes de et font véritablement honneur à la famille des cordes françaises.

Ce disque est une pure merveille.

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