Le forfait de Diego Fasolis, remplacé par son assistant Andrea Marchiol, explique pour beaucoup la semi-réussite de ce Farnace.
Pendant tout le premier acte, on a eu la pénible impression d'assister à un charmant récital d'airs séparés, servi par de fort jolies voix assez peu concernées, accompagné d'un orchestre mou, sans liant, sans tonus, sans vie.
Fort heureusement, les choses s'améliorent après l'entracte. Reprise en main, ou arrivée sur scène de Max Emanuel Cenčić, qui avait fort peu à chanter en première partie ? Son grand air du second acte, merveille de technique et de couleurs, met le public à ses genoux, et semble galvaniser les troupes. I Barocchisti sonnent plus mordant. Un souffle dramatique balaie la scène, au service d'une intrigue alambiquée, dont le lieto fine invraisemblable fait pouffer la salle de rire.
Le magnifique contre-ténor, qui valait à lui seul le déplacement, est en effet entouré d'une distribution de haut vol, pour peu qu'on lui permette l'occasion de briller. Ruxandra Donose, Mary-Ellen Nesi et Hilke Andersen ont en commun un timbre profond et moelleux, une vocalisation parfaite, et une connaissance sans faille des règles belcantistes. Elles savent cependant différencier parfaitement leur personnage : épouse tendre à la voix de miel pour l'une, mère vindicative au caractère proche des Elettra et Vitellia mozartiennes pour l'autre, la palme revenant à la délicieuse sœur du héros, Selinda, mutine et piquante. La distribution féminine est complétée par la sérieuse et bien chantante Blandine Staskiewicz, dans un rôle de soldat travesti, à qui échoie hélas les airs les moins intéressants de la partition.
Du côté masculin, Daniel Behle réveille l'assistance par une prestation énergique et pleine d'autorité, malgré un timbre légèrement ingrat. Emiliano Gonzalez Toro semble dépassé et couvert par l'orchestre, qui ne compte cependant qu'une quinzaine de musiciens.
Au vu de ce coup d'essai, il ne fait aucun doute que la production scénique de Lucinda Childs à l'Opéra du Rhin, en mai et juin prochain, dans une distribution quasi-identique et avec, on l'espère, la présence de Diego Fasolis, ne soit un temps fort de la saison lyrique.