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A Beaune, la sage folie d’Orlando

Seconde participation remarquée du chef italien et de son ensemble au festival international de musique baroque de Beaune 2012. En effet, suite à la défection du chef espagnol Eduardo Lopez Banzo, ils avaient pris en charge l'opéra Agrippina de Haendel avec plus ou moins de bonheur. Davantage préparé, l'orchestre revient dynamisé par un chef décidé à donner vie à un projet pour lequel il s'est énormément investi : l'exécution en première mondiale de l'opéra Orlando, partition récemment réattribuée au jeune Vivaldi. Curieux d'entendre ce nouvel Orlando antérieur de 13 ans à son Orlando furioso et qui n'a musicalement rien de commun, le public est venu nombreux. Malgré le travail de reconstruction, fort louable au demeurant, des arias incomplètes des actes I et II (le III restant introuvable) par Sardelli, l'audition de la partition en version de concert révèle une œuvre bien plus sage que l'Orlando furioso que nous connaissons, une écriture plus « simpliste » composée d'airs courts (peu développés), à l'orchestration souvent réductrice, entrecoupés de longs récitatifs pas vraiment passionnants.

Ainsi, la tache qui attend les interprètes est d'autant plus ardue. En effet, comment rendre passionnante une œuvre qui ne l'est pas ou peu ? Certainement en réunissant une distribution de haut niveau, c'est dans l'ensemble ce qu'a réussi à faire Sardelli. A commencer par l'Orlando souverain du baryton-basse . Même privé d'un troisième acte supposé faire éclater sa folie et surtout cantonné à un seul air et quelques récitatifs accompagnés (bien moins développés et éclatants que dans l'Orlando furioso de 1727), sans parler de son rôle naïf pour ne pas dire niais, il parvient à s'imposer crânement grâce à une diction impeccable, une voix percutante forte de caractère et un timbre des plus séduisants.

La cause de tout son tourment n'est autre que la douce Angelica qui feint de se pâmer d'amour pour lui alors qu'elle est déjà engagée à Medoro. s'acquitte convenablement de ce rôle, sans plus. Le Medoro de en revanche charme d'emblée par sa voix rare de contralto. Son aplomb et la facilité de ses vocalises font mouche au point de rendre intéressant l'air du papillon à la métaphore pourtant bien naïve. On se souvient qu'elle avait déjà brillé, entre autre, dans le rôle titre de l'Orlando Furioso de Vivaldi au concert comme à la scène, rôle bien plus passionnant que celui dans lequel elle est cantonnée ici.

La maléfique Alcina, quant à elle, est rageusement incarnée par une fort inspirée. Sa personnalité marquante, son interprétation débridée, rehaussée de riches da capo, font forte impression auprès d'un public presque ahuri par tant d'audace vocale.

Le rôle d'Astolfo qui a très certainement dû être créé pour un castrat sopraniste, est chanté ici par la soprano qui se montre du coup moins brillante qu'à son habitude mais pas moins efficace pour autant, contrainte de solliciter davantage la partie basse de sa longue voix qui heureusement le lui permet sans forcer. Ce n'est pas le cas du contre-ténor , quasi inaudible dans le rôle de Ruggiero, aux prises avec une tessiture trop basse pour sa voix. Cependant il parvient à retourner la situation à son avantage dans le da capo de l'air « Piangero » , subitement pris plus haut et émis avec une ineffable poésie, faisant de cette reprise le bijou de la soirée. Mais c'est finalement la Bradamante de la soprano qui a suscité le plus d'émotion, notamment dans la délicieuse scène du rossignol. Sa voix, éclatante et sonore, passionne, faisant un redoutable contrepoids à celle d'Alcina. On se souvient l'avoir entendue, de manière inégale, dans l'autre Orlando de Vivaldi à Madrid sous la houlette du chef . Les progrès sont probants.

Il est évident que même si la musique du prete rosso ne tient pas toutes ses promesses et pour des raisons musicologiques évidentes, cet Orlando se devait d'être redécouvert et enregistré (prochainement chez Naïve). Porté par un orchestre tonique à l'image de son chef, et surtout par une distribution hautement qualifiée, l'œuvre aurait pu courir à l'échec dans le gosier de chanteurs moins aguerris et aux caractères moins trempés.

Paradoxalement, l'exécution de l'œuvre ne semble pas souffrir de l'absence du troisième acte, le deuxième se terminant sans chœur de lieto fine, ni air ou duo mais plus subtilement par le récitatif poignant d'un Orlando désespéré et comme condamné à souffrir éternellement.

Crédit photographique : © festival international de musique baroque de Beaune

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