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Avec Philippe Fénelon, Rousseau est toujours aussi ennuyeux

Opéra : n. m. (vers 1646 ; i. opéra). Poème, ouvrage dramatique mis en musique, qui est composé de récitatifs, d'airs, de chœurs et parfois de danses avec accompagnement d'orchestre. (Réf. Petit Robert 2000).

Sacré Petit Robert ! avec sa définition, il pose de sérieux problèmes au spectateur de ce JJR (Citoyen de Genève) en création mondiale. Un poème ? Non ! Un ouvrage dramatique ? Non plus ! Alors ? Rien.

Rien dans un livret d'une platitude avérée (mais depuis que l'opéra existe, cela n'est pas une nouveauté) qui puisse attirer l'intérêt du spectateur. La vie de , comme celle de maints philosophes, brille par son manque d'originalité et d'aventures dramatiques. Même si on nous dit qu'il a abandonné ses enfants à l'assistance publique. Mais ici, le librettiste Ian Burton n'en fait pas un drame. Au fait, que sont-ils devenus ces enfants ? Pour le reste, pendant la majeure partie de sa vie, le citoyen genevois a écrit et s'est adonné à la botanique. Vraiment pas de quoi faire un opéra. Ah oui ! il a créé une nouvelle notation pour la musique, mais vu qu'il n'a jamais été que le seul à l'utiliser, là encore, pas de drame possible.

Rien (ou presque) dans la musique non plus. Sans ligne directrice, sans parti pris, la musique de porte le seul avantage de ne pas trop assaillir l'oreille. Sage dans ses dissonances, elle manque néanmoins de véritable puissance. Les passages musicaux que le compositeur français semble dominer le mieux sont ceux où joint à sa propre musique des citations de Scarlatti ou Bononcini, de Mendelssohn voir de Wagner jusqu'à Rousseau. C'est si bien fait qu'on en vient presque à préférer les musiques de Rousseau à celles de Fénelon. C'est dire !

Avec rien dans le livret, pas grande chose dans la musique, il devient extrêmement difficile à un metteur en scène, même aussi talentueux que , d'animer un plateau. Ainsi les sept huitièmes de la soirée se passent à entendre, le jeune JJR1 (le haute-contre Jonathan De Ceuster à la voix ballottante comme un coque de noix sur la mer) dire « Maman, maman » et « Robinson Crusoe » à l'envi, au JJR2 (le baryton à la voix de stentor sans finesse) se plaindre de n'être pas aimé, et au vieux JJR3 (le ténor , excellent comédien et très bon chanteur) remettre tout le monde à sa place. Pour le reste, ce ne sont pas les irruptions fugitives de Voltaire, de Robinson Crusoe et sa pipe, du Marquis de Sade ou d'un Diderot en cage qui parviennent à tuer l'ennui qui s'empare du public cinq minutes à peine après le début de l'opéra (puisque c'est ainsi qu'on l'a défini).

Les progrès de la technique permettant des sonorisations de qualité, c'est à peine si on se rend compte que tous les chanteurs sont amplifiés. Tous, sauf deux. Les deux seuls qui, probablement ont l'honnêteté de leur métier, et qui chantent, comme on le fait traditionnellement à l'opéra, sans micro. D'ailleurs, quelle que soit la qualité des installations sonores mises en place, leurs voix sonnent plus naturellement que celles de leurs collègues. Merci donc à la soprano (Colette) et au ténor (Colin) pour leur prestation. D'ailleurs excellente !

Ce n'est qu'en toute fin de l'opéra, lorsque se dessine l'idée d'illustrer quelques pages du Dictionnaire de Musique de Rousseau, que la scène s'anime quelque peu. Avec les exemples de chant de castrat, les duos, les trios ou les pantomimes, se sent soudain de montrer des superbes costumes, magnifiquement éclairés dans des mouvements de scène enfin théâtraux.

Les presque deux heures sans entracte de cette œuvre (?) n'ont pas empêché certains spectateurs excédés, comme consternés par ce spectacle de déranger toute leur rangée pour quitter la salle aussi discrètement que possible. Incontestablement, Rousseau reste toujours aussi ennuyeux et la musique de n'a pas réussi à convaincre le public de relire « Emile » ou « Les Confessions ». Encore moins « Le Contrat Social » en dépit d'un chœur final mi-chanté mi-parlé revendicateur.

Crédit photographique : (JJR 3) ; (Une voix), Daniel Cabena (Le castrat), (Mme de Warens) © GTG/Carole Parodi

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