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Stravinsky en versions russes par Kitaenko et… Boulez !

Les Russes de Melodiya offrent, dans un joli coffret, trois interprétations assez rares, et même inattendues, des grands ballets de Stravinski. On commence le parcours avec une lecture aussi oubliée que magistrale de l'Oiseau de feu. Le grand chef russe officie à la tête de l'. Il impose une lecture foncièrement féérique et marquée par le monde des sortilèges d'un Rimski-Korsakov. Sa battue est très chorégraphique et fait chanter un orchestre encore très typé dans ses sonorités. La musique virevolte et se prête au songe, guidée par un chef ensorceleur. Cet Oiseau de feu, en version intégrale, est une belle référence discographique aux côtés de Dorati (Mercury), Boulez (DGG) et von Dohnanyi (Decca et Praga).

Changement radical d'ambiance avec invité par l'orchestre du Conservatoire de Moscou, en 1990. Captée en concert dans la grande salle du Conservatoire Tchaïkovski, cette gravure est d'un grand intérêt. Bien évidemment les jeunes musiciens sont plus « dans leurs jus » que les phalanges étasuniennes réglées au cordeau, à tête desquelles le Pape de la musique contemporaine avait gravé des témoignages fondateurs de son art (Sony et DGG). La direction est toujours très rigoureuse et rectiligne, mais la saveur particulière des musiciens (timbres acides et bigarrés) donne une humanité au patin désarticulé de Petrouchka. Tout n'est pas parfait dans cette lecture, la mise en place est un peu baroque et les attaques soumettent les instrumentistes à rude épreuve (pauvre trompettiste solo), mais on avoue ressentir une sympathie particulière à l'écoute de ce concert moscovite.

Changement de registre avec le Sacre du printemps par enregistré à une époque où il gravait (assez mal d'ailleurs) tout le répertoire russe avec son orchestre de la radio d'URSS. Le chef ne semble pas avoir de vision particulière du Sacre. Il alterne entre une rugosité poussive et une recherche des plus petits effets dans sa mise en avant des détails de l'instrumentation. Si la première partie peut encore séduire par cette originalité, la seconde partie manque carrément de fini avec une « Danse sacrale » terriblement vulgaire.

On prend donc ce coffret comme un tout : un bel ensemble d'archives à réserver aux amoureux de ces partitions. Ces derniers seront enchantés par l'Oiseau de feu suspendu et hors du temps du Kitaenko.

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