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Avec Macbeth, Nancy honore le génie de Verdi

Année du bicentenaire de sa naissance oblige, Verdi est à l'affiche de l'Opéra national de Lorraine avec Macbeth, coproduction avec l'Opéra national de Bordeaux déjà présentée en Aquitaine début 2012.

Contrairement à notre confrère, qui en déplorait le kitsch et le grand guignol, la mise en scène de nous semble plutôt devoir être mise au compte de ses réussites. Certes, la qualité de la distribution réunie à Nancy est très certainement à prendre en compte dans le succès du spectacle, nous y reviendrons. Pour ce Macbeth, heureusement contraint par l'espace scénique et les possibilités techniques plus réduites d'un théâtre de province, a su resserrer son propos et ne pas se laisser déborder par les références plastiques ou picturales ; l'exact inverse de ce qui s'était passé pour son catastrophique Faust à l'Opéra-Bastille. La scénographie évocatrice et efficace de est faite de colonnes mobiles, tour à tour miroirs, statues de palais ou arbres de la forêt de Birnam. Les sorcières sont au centre du dispositif. Femmes-Janus à double face, quasiment nonnes côté face, squelettes à tête de mort côté pile, elles sont omniprésentes et, par un savant jeu de reflets, apparaissent épiant et contrôlant les protagonistes même quand elles sont hors scène. Martinoty n'édulcore pas l'horreur de la tragédie shakespearienne, montrant sur scène Macbeth poignardant les gardes de Duncan ou l'assassinat des enfants de Macduff, mais nous épargne le sang et le gore. La version choisie est globalement celle de la reprise parisienne de 1865 mais, pour plus d'efficacité dramatique, l'opéra se conclut sur la mort de Macbeth comme dans la version florentine initiale de 1847. De même, le ballet de 1865 est omis au profit d'un page orchestrale de 1847 qui donne lieu à l'apparition de poupées monstrueuses, inspirées par le surréaliste Hans Bellmer, et qui n'est qu'un cauchemar de Macbeth. En fin de compte, un spectacle plutôt classique de facture, lisible et parfaitement respectueux de Shakespeare.

Pour la distribution des deux rôles principaux, la directrice artistique Valérie Chevalier a eu la main particulièrement heureuse. Déjà remarqué à Nancy en Iago dans Otello, en Macbeth se confirme en effet un superbe baryton Verdi, au timbre chaud et captivant, à l'émission harmonieuse et aisée, au legato parfait. Découverte absolue et prise de rôle, l'américaine domine avec une apparente facilité la tessiture assassine de Lady Macbeth, des graves sonores mais jamais poitrinés aux aigus dardés comme des poignards, contre-ré bémol de la scène de somnambulisme inclus et filé comme il se doit. On notera toutefois un relatif manque de souplesse belcantiste pour le Brindisi et, comme pour son partenaire, une intensité dramatique, une puissance de l'incarnation encore modestes et qui devraient s'améliorer avec une plus grande fréquentation du rôle. Moins décisifs, le Banco au timbre sonore et homogène mais parfois engorgé de et le Macduff un peu vert encore et avare de nuances de assurent toutefois parfaitement leurs parties.

Protagoniste essentiel du drame, le Chœur de l'Opéra national de Lorraine, renforcé par celui de l'Opéra-Théâtre de Metz Métropole, réalise une performance exceptionnelle d'intensité et de ferveur, tout comme l' qu'on a rarement entendu aussi engagé et puissamment dramatique. Le mérite en revient aussi très certainement à la direction animée et éminemment italienne de qui, selon les moments, parvient aussi bien à galvaniser les ensembles (tout en les tenant d'une main ferme) qu'à retenir ses forces pour assurer mystère ou éloquence. Tout simplement enthousiasmant.

Crédit photographique : © Opéra national de Lorraine

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