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Les leçons de ténèbres sur les terres de François Couperin

Les trois leçons de ténèbres de , composées vers 1714, occupent une place de choix dans le répertoire baroque français, et dans l'œuvre de son auteur en particulier. De nombreuses version ont déjà montré et démontré la force spirituelle et musicale de ces pages d'une sublime beauté.
Rozay en Brie, à seulement quelques pas de Chaumes d'où sont originaires les Couperin, possède dans son église un orgue historique de tout premier plan. On imagine aisément qu'ils aient pu le jouer, c'est ce qui curieusement associe cette famille à cet instrument exceptionnel. Il a bénéficié d'une excellente restauration menée en 1996 par Yves Cabourdin, préservant toutes ses caratéristiques originales: tuyauterie ancienne, diapason baroque français au La = 396 Hz, tempérament mésotonique, claviers d'origine, et pédalier à la française.

Déjà en 1981 pour le label Elyon, l'organiste Guy Morançon avait proposé une version de ces leçons de ténèbres, entouré de deux chanteuses et d'un gambiste, tous disposés en tribune. Quelques années plus tard, se retrouve la même situation: deux sopranos, une viole de gambe, un théorbe, autour de l'organiste pour proposer une version très chambriste. La prise de son rapprochée évoque l'atmosphère d'une chapelle. les voix sont présentes, sensibles, soutenues avec efficacité et discrétion par la basse de viole de , le théorbe de , et l'orgue sur ses bourdons dirigé par . Il faut louer le style des deux sopranos, et , grandes spécialistes de ces répertoires, où la connaissance parfaite du chant baroque est fondamentale, pour l'élocution, l'ornementation, le discours…

Il y a une évolution musicale et émotionnelle au cours de ces trois leçons, la dernière passant magiquement à deux voix. Elle sont composées pour les offices de la Semaine Sainte sur le texte des Lamentations de Jérémie pleurant la perte de Jérusalem, évoquant la ruine du royaume de Juda, la destruction du premier temple et l'exil.

En dénouement de ces trois nocturnes de l'office de ténèbres de Couperin, le motet Cantate Domino d', compositeur aixois, clame la joie du matin de Pâques. Inédit au disque, il représente un beau témoin de l'art de Campra, et une découverte très intéressante.

Quelques versets de la Messe pour les couvents de viennent compléter agréablement le programme, et permettent d'entendre quelques timbres uniques de l'orgue de Rozay en Brie, en particulier les jeux de tierce, et le cromorne. On regrette même que ne nous en propose pas quelques-uns de plus, tant il les joue de la manière la plus remarquable, et que le minutage du CD l'aurait largement permis. Quelques alternances logiques de plain-chant auraient sans doute aussi pu s'insérer entre les versets d'orgue, par l'une des solistes, alors accompagnée par le continuo, sur le même modèle que les leçons précédemment entendues. L'organiste a montré cette possibilité de réalisation, qui vraisemblablement se pratiquait alors, notamment à l'église Saint-Gervais à Paris où était organiste.

Voilà une version de ces œuvres qui se place parmi les plus réussies dans une discographie déjà riche.

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