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Les Stigmatisés à Cologne

Un homme, Alviano, difforme, laid, qui ne croit plus en l'amour ; une femme, Carlotta, jeune, mais malade, peintre qui pourtant ne croit pas en la beauté ; un homme enfin, Tamare, beau, noble, qui, lui, ne croit pas qu'une femme puisse le refuser – voilà les trois personnages principaux de l'opéra « Die Gezeichneten », « Les Stigmatisés », de .

Alviano s'éprend de Carlotta qui semble voir l'être humain derrière la silhouette difforme. Mais, après avoir « peint son âme », elle perd l'intérêt – et succombe au charme de Tamare. Alviano tue son rival. C'est à Gênes, dans un XVIe siècle imaginaire, gorgé d'art, de sexe et de violence, que , compositeur et librettiste à la fois, fait évoluer ses personnages.

A Cologne, pourtant, nous ne sommes pas à l'âge de la Renaissance. Alviano est un être marginalisé de nos jours, un SDF vivant sur une casse, entouré de vieilles voitures. Après avoir tué et son rival et sa bien-aimée, il revit toute l'histoire en un cruel cauchemar où rapidement, les époques commencent à se mélanger – une formidable idée portée par une excellente direction d'acteur. Le public, assis sur les deux côtés de la scène, assiste à ce cauchemar, voire le vit avec lui, tellement scène et musique font une en cette superbe production. incarne Alviano avec une intensité presque angoissante. Pas un moment il ne s'économise ni physiquement ni vocalement arrivant, tout de même, au final sans la moindre trace de fatigue. Certes, la voix n'est pas belle et la projection peu orthodoxe. Mais une voix plus ronde, plus homogène aurait-elle le même impact dans un rôle où il est constamment question de laideur ?

Le beau Tamare trouve un interprète idéal en la personne de . Doté d'un physique de jeune premier et d'une voix à la fois puissante et souple, il domine sans faiblir une tessiture souvent tendue. Nous sommes un peu plus réservés en ce qui concerne Carlotta. Certes, incarne avec conviction cette jeune femme en quête d'elle-même, fuyant la mort pourtant à portée de bras. Certes, son sens des nuances fait merveille, mais le registre aigu, sollicité en permanence, manque de rondeur et de luminosité. Ombre et lumière finalement du côté des basses : si , voix longue et ample, campe un duc de premier ordre, le bourgmestre de Jyrki Korhonen manque cruellement de puissance et d'autorité.

Et pourtant, la vraie vedette de la soirée se retrouve dans la fosse, ou mieux, sur le côté de la scène puisque l'ancienne structure industrielle qu'est le Palladium ne dispose pas de fosse. Dès les premières mesures du prélude,  et son Gürzenich-Orchester entraînent l'auditeur dans un univers musical hypnotisant faisant scintiller les richesses de l'orchestration – et Dieu sait qu'il y en a mille et une. En même temps, Stenz ne se laisse jamais aller – danger permanent dans une œuvre qui déborde de tous les côtés.

Au final le public se montre enthousiaste envers tous les interprètes – et réserve une ovation bien méritée à l'orchestre et à .

Crédit photographique : © Klaus Lefebvre

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