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Saint-Étienne : la princesse de Trébizonde, poupée aux yeux d’émail

La documentation est rarissime concernant la Princesse de Trébizonde, qui fut pourtant un grand succès à son époque, et on ne trouve aucune entrée de ce nom, y compris dans le Kaminski, la bible du lyricomane.

Seul le Clément et Larousse de 1905 mentionne « des couplets par trop grivois et dont les équivoques sont trop grossières (…) une musique (qui) dépasse partout la vulgarité (…)qui n'a pour elle que les effets d'un rythme sautillant (…) des formules connues, des points d'orgue ressassés ». Voilà une opinion bien tranchée !

De fait, si l'on n'a rien ressenti de cette prétendue vulgarité, il faut avouer notre difficulté à avoir une opinion précise de l'œuvre après une seule écoute… et notre admiration face aux grands anciens comme Hector Berlioz ou Théophile Gautier, longues oreilles, dont c'était le pain quotidien !

En fait, l'impression prédominante est une sensation diffuse de… manque. La soirée se déroule dans une sorte de plaisir atonique, ce n'est qu'à partir du troisième acte qu'on commence à ressentir le pétillement offenbachien. La faute à la mise en scène ? Elle est vivante et rythmée, comme il se doit. Aux interprètes ? Sûrement pas. Au livret ? Il est difficile d'en juger, car il a été visiblement raccourci et réécrit, mais il est patent que tout le premier acte n'est qu'une longue scène d'exposition, alors que le second est censé être hilarant mais ne fait pas mouche. A la musique ? Elle est très plaisante à entendre, mais on ne retrouve le brillant et les formules typiques du compositeur qu'au dernier acte : pastiches, onomatopées, airs étincelants sur des sujets triviaux (j'ai mal aux dents !) final endiablé.

Le livret raconte les tribulations d'une famille de forains, dont la principale activité est de montrer des poupées de cire. L'une des filles, Zanetta, casse accidentellement le nez de la plus belle, la princesse de Trébizonde, et prend sa place pour sauver la représentation. Un prince charmant, qui passait par là, en tombe fou amoureux, et s'arrange pour leur faire gagner à la loterie un château, des terres et un titre de noblesse. Mais les saltimbanques s'ennuient dans leur nouvel état. Le prince persuade alors son père d'acheter la collection de figurines et de faire venir leurs propriétaires à sa cour, ce qui lui permet de rendre visite chaque nuit à la fausse poupée. Entre-temps, deux autres couples foutraques se sont formés : Régina, la deuxième fille, avec Trémolini, ancien domestique qui s'est joint à la troupe par amour, et Paola, tante des précédentes, persuadée d'être une enfant noble volée à la naissance, avec Sparadrap, le précepteur du prince. Tout se finit dans la joie avec un triple mariage.

Poupée avez-vous lu ? Oui, poupée, comme dans les Contes d'Hoffmann, en reflet inversé : une fausse figure de cire, une femme véritable, capable de sentiments. Hasard ou non, dans l'imaginaire du compositeur ? Impossible de le savoir, mais l'arrangement musical en fait ses choux gras, en proposant de temps à autres à l'harmonium des morceaux choisis du chef-d'œuvre posthume d'Offenbach, forcément postérieurs.

La mise en scène, joyeuse, enlevée, se base sur le monde des forains, avec un manège tournant (bruyamment, hélas) qui se transforme au fur et à mesure que l'action avance, des chasseurs, des chiens, des portes qui claquent, et une troupe de chanteurs-acteurs de premier ordre. , et Antoine Normand sont parfaitement dans leur élément !

On ne connaissait pas à une telle verve comique, mais elle est proprement désopilante en vieille tante mythomane. , Romie Estèves et sont parfaits de grâce, de style et de diction en jeunes premiers. La palme revient à la magnifique , craquante en travesti, belle à regarder, admirable à écouter.

Comme à son habitude, dirige un orchestre de grande classe, parfaitement dans son élément.

Crédit photographique : © Cyrille Cauvet / Opéra Théâtre de Saint-Etienne

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