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Thérèse de Massenet par Nora Gubisch et Altinoglu, version de référence

Même s'il ne s'agit pas d'un des opéras les plus populaires de , Thérèse a déjà connu à deux reprises les honneurs du disque, et le public lyricophile a donc déjà eu l'occasion de se familiariser avec cet ouvrage atypique, et pourtant attachant à plus d'un titre.

Mettant en scène les amours complexes de Thérèse pour son Girondin de mari et pour le marquis Armand de Clerval, la partition flirte avec le réalisme de Sapho et de La Navarraise, la nostalgie pour le XVIIIe siècle légèrement perceptible dans Manon ou encore la fresque historique esquissée dans les grands opéras meyerbeeriens comme Le Cid, Le roi de Lahore ou encore Hérodiade. L'action, qui dépasse tout juste une heure, est ferme et condensée, le drame est palpable dès les premières mesures de l'introduction et la musique est du meilleur Massenet, tourmentée et efficace sans jamais pour autant tomber dans le sirop et le sentimentalisme. Thérèse mérite amplement de figurer parmi les grands opéras révolutionnaires produits par la scène lyrique internationale.

L'excellence de l'interprétation est pour beaucoup dans ce succès sans réserve, qui ne doit rien aux grandes stars internationales du moment. Ainsi, même si ses moyens vocaux n'ont en rien l'opulence d'une Agnès Baltsa ou le vrombissement vocal caractéristique d'une Huguette Tourangeau – les vedettes des précédentes versions discographiques –, l'emporte aisément sur ses devancières grâce à la perfection de sa diction et à son engagement total dans une partition qui convient idéalement à sa voix à ce stade de sa carrière. Certains pourraient cependant lui reprocher ses « r » grasseyés assez peu authentiques, et pour tout dire assez dérangeants, dans le répertoire lyrique de cette époque.

Tous les rôles faisant appel aux voix graves sont impeccablement tenus, à commencer par le l'André Thorel d', d'une dignité et d'une tenue stylistique qui forcent le respect. On mentionnera également le Morel de pour souligner à quel point aucun détail n'a été laissé au hasard.

Seul chanteur non-francophone de la distribution, le ténor américain étonne par la classe de son français et, de façon générale, par le chic de sa prestation. Par la qualité de son style, il est de loin préférable à ses deux prédécesseurs – Ryland Davies et Francisco Araiza –, même si le matériau vocal n'est peut-être pas, intrinsèquement, de la même qualité que celle du ténor mexicain.

La réussite de l'ensemble revient sans aucun doute à l'élégance de la direction d', à mille lieux des épanchements sonores de Richard Bonynge et de Gerd Albrecht dans les précédentes versions. Par le soin apporté au plus petit détail tout comme pour les éclats orchestraux – Massenet aurait-il inspiré Ravel ? –, il s'impose sans aucun doute comme l'un des meilleurs défenseurs du patrimoine français de cette époque. On soulignera également l'excellente qualité de la présentation de ce magnifique livre-disque, qui fait honneur au vaste travail de réhabilitation entrepris par la Fondation dans ses efforts de faire redécouvrir au public le patrimoine musical du XIXe siècle.

À quand une version scénique de Thérèse ? Un couplage intéressant avec un ouvrage d'une longueur et d'une thématique analogues – pourquoi pas, après tout, avec la Sophie Arnould de Gabriel Pierné ? – serait le garant d'excellentes soirées à venir…

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