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Festival Berlioz 2013 avec François-Frédéric Guy, Leonard Slatkin et Véronique Gens

Pour la 20ème édition du , François-Xavier Roth affirme, bravache, que le Festival est devenu le « Bayreuth berliozien que nous attendions tous ».

A vrai dire il n'est pas sûr qu'il faille souhaiter une telle destinée à la Côte Saint-André. Laissons à la colline bavaroise ses distributions de luxe, et continuons de faire de la Côte un rendez-vous berliozien symphonique, champêtre et bon enfant, où l'expérimentation et le mélange des genres préparent la musique de demain.

C'est dans cet esprit qu'il faut saluer l'initiative de la fonte de deux cloches, réalisée en ouverture de festival le 22 août, et qui seront inaugurées le 1er septembre dans un concert gratuit qui réunira la Symphonie Fantastique de Berlioz (de 300 et 600 kg, elles sont accordées sur les deux notes sol et do du glas du Songe d'une nuit de sabbat) et le Marteau sans maître de Pierre Boulez – heureuse association de modernité radicale des siècles passés (le Marteau fêtera son premier demi-siècle l'an prochain !). Les deux cloches, affectées principalement à l', resteront à La Côte.

 

Intégrale des sonates de par

Mais tout d'abord, véritable fil conducteur tout au long du festival, nous avons pu entendre dans l'intégrale des sonates de Beethoven. Ce 27 août, il en était à sa quatrième station avec les sonates n°11 à 14. La programmation chronologique n'est pas antinomique avec une belle progression dramatique au sein de chaque concert, celui-ci ayant comme points culminants la Marche funèbre de la Sonate n°12 et la n°14 Clair de lune en conclusion. a fait de Beethoven son cheval de bataille, et cette intégrale est rien moins que la septième depuis 2008 (et la troisième à laquelle assiste ResMusica après Paris en 2008 et Metz en 2011).

Aucune recherche d'effet ou de style, le pianiste est dans une logique de cheminement dans le massif beethovénien.  Particulièrement frappante est la Marche funèbre dominée visuellement par le Christ en croix éclairé de manière dramatique en contre-plongée (photo), et contre laquelle la musique de Beethoven paraît comme un point levé, rageur, blasphématoire même. Dans la Clair de lune, l'ambiance minérale de cette église rurale et massive jointe à la réverbération sonore semble au contraire en harmonie avec le compositeur ; dans cette œuvre qu'on croit trop connaitre, le pianiste fait résonner d'insondables correspondances entre les Eléments et la Musique. Envoûtant.

 

Entretien avec

« J'adore le streaming. Je dois les convaincre que ce n'est pas une question d'argent, c'est une question d'audience. Vous ferez de l'argent à partir de l'audience que vous aurez »

s'était déclaré « étonnamment optimiste » lorsque nous l'avions rencontré à l'orée de sa deuxième saison avec l'. Avant le concert, nous avons poursuivi nos échanges.

Sur sa relation avec l'Orchestre, les répétitions sont désormais faciles. Les musiciens se sont habitués à son style rapide, qui vise l'efficacité. Pas d'apprentissage des notes, Slatkin dit être peu loquace : « Je ne parle pas du soleil qui brille, ou de ce genre de choses, je dis : Pas si fort ». Face au danger d'un son international standardisé il se réjouit de la sonorité « fantastique » des bois, en particulier le basson qui juste un petit plus de vibrato, le hautbois, la clarinette, qui sont « de Lyon ». En revanche, il a travaillé à ce que les cordes jouent de manière plus proche de la manière… russe !

Côté projets discographiques, les premiers volumes de musique française chez Naxos vont se poursuivre (voire nos critiques du premier Ravel avec le Boléro et du premier Berlioz avec la Fantastique) avec 11 volumes pour Ravel avec des inédits, d'autres Berlioz dont un Roméo et Juliette, ou encore la Symphonie n°3 de Saint-Saëns sur l'orgue rénové de l'orchestre.

Donc croit toujours dans l'avenir du disque ? Il concède, en citant Klaus Heymann le patron de Naxos, que le support CD disparaîtra probablement dans 5 ans, même s'il restera un moyen de matérialiser des enregistrements, comme une carte de visite.

La grande affaire du chef, c'est le streaming, c'est-à-dire la diffusion vidéo des concerts, il y croit en revanche beaucoup. L'Orchestre de Detroit qu'il dirige diffuse ses concerts sur son site et sur différents sites musicaux à travers le monde, générant une audience jusqu'à 300.000 mélomanes. Et si l' ne s'est pas encore lancé, c'est qu'il reste des questions financières à régler au préalable : « J'adore le streaming. Je dois les convaincre que ce n'est pas une question d'argent, c'est une question d'audience. Vous ferez de l'argent à partir de l'audience que vous aurez ».

Si la musique est partout, elle n'a plus le premier rôle : « Nous sommes dans une époque où nous nous reposons sur ce que nous voyons et non pas ce que nous entendons. Le monde de l'imagination est atteint ».

Du coup, est-ce que le format du concert lui-même lui paraît-il compassé ? « Je ne pense pas que nous avons besoin d'un nouveau modèle de concerts, nous avons besoin de faire que la culture soit aussi importante que le reste. Nous avons besoin d'aller dans les écoles, juste quelques musiciens pour réveiller l'imagination des jeunes ». Et d'annoncer qu'un programme va être lancé avec les musiciens de Lyon.

 

Cinq minutes de bonheur avec en Captive

Place au concert du soir, qui démarre sur les chapeaux de roues avec l'ouverture de Benvenuto Cellini déroulée impeccablement, ferme comme il convient, pour qu'elle soit vive et étincelante mais pas clinquante.

dans des mélodies rares de est le cœur du concert. Elle renouvelle en concert sa réussite des Nuits d'Eté (1 CD Ondine, Clef d'Or ResMusica 2012) avec La Belle Voyageuse, Le jeune Pâtre breton, la Captive surtout, puis Le Roi des Aulnes après un interlude orchestral représenté par l'Invitation à la Valse qui parut bien longuette. Si l'orchestration de Berlioz n'a pas changé le plomb de cette œuvrette de Weber en or, la traduction libre du poème de Goethe en français paraît bien peu orthodoxe, mais le Lied de Schubert même orchestré est toujours saisissant – il l'aurait été même un davantage si l'orchestre avait joué de manière plus chambriste. Pour La Captive, le bonheur est absolu, pour l'œuvre et l'interprétation. On comprend pourquoi Berlioz affectionnait cette mélodie et la donnait régulièrement dans ses concerts, avec cette variété des climats et des rythmes dans une grâce qui évoque les Nuits d'Eté. Cinq minutes hors du temps.

Les programmateurs ont déniché un texte de Pierre Boulez qui relie le Sacre du Printemps et la Fantastique comme les deux œuvres où la maîtrise orchestrale s'y affirme avec le plus de vigueur et de verdeur. Il n'en reste pas moins que jouer le Sacre en second partie de concert n'était pas évident, et les musiciens eurent du mal à trouver la concentration et le ton nécessaire. Les premiers mouvements résonnèrent comme autant d'épisodes disparates sans fil conducteur. Leonard Slatkin sentant le désastre menacer finit par ressaisir ses troupes et leur influer une énergie jazzie et américaine pertinente et stimulante, il était temps. Sans rancune de toutes façons, car tous ensemble nous étions montés au ciel. Tous captifs de Berlioz !

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