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Roberto Alagna dans un Elixir d’amour millésimé

L'Opéra de Paris présente ce mois-ci une reprise gagnante de L'Elixir d'amour de Donizetti avec le couple vedette . La direction avisée de distille humour et dérision dans ce melodramma giocoso habilement mis en scène par .

On a du mal à croire que L'Elisir d'amore de Donizetti ait pu être composé en moins de quinze jours, tant l'équilibre de buffo et de giocoso y est à ce point subtil et aéré. Si la mise en scène de sait se plier aux lois d'un spectacle grand public, elle explore comme jamais la veine de la légèreté sans jamais céder à la vulgarité. Pour sa quatrième reprise depuis 2006, cette scénographie est en passe de devenir un classique incontournable. On y trouve la signature visuelle de l'écriture vocale déliée et colorée du compositeur de Bergame.

Cette production semble porter chance aux jeunes ténors, à commencer par l'Américain Charles Castronovo et le Russe dont les débuts parisiens ont été placés sous les bons auspices de cette dive bouteille. Malgré la modestie des exigences techniques des rôles, il reste difficile de trouver des protagonistes alliant fluidité vocale et théâtrale. Il semblerait que le couple Nemorino-Aldina ait trouvé en et , deux interprètes capables de relever ce défi.
Réunis à la ville comme à la scène, ils naviguent dans cet univers de cinéma italien des années 1950 comme deux poissons dans l'eau. L'humour burlesque des situations fait oublier un abattage scénique légèrement téléphoné côté choeur. A leur décharge, il est piquant d'imaginer qu'ils alternent depuis deux semaines l'exigeant Moses und Aron avec cette bluette lyrique de Donizetti… Il suffit de peu d'éléments pour recréer une ambiance caractéristique : Quelques bottes de foin parsemant le plateau, un château d'eau ou des pylônes électriques en point de fuite au bout de champs de blé, une trattoria, des vélos et des scooters…

On comprend dans ces conditions tout ce que la « Furtiva lagrima » peut avoir de nostalgique et désenchanté… Dans cet univers venu tout droit d'un film d'Ettore Scola ou Dino Risi, on croise la camionnette du bonimenteur Dulcamara au diapason de l'irrésistible rideau de scène recouvert d'une déclinaison de petites annonces en l'honneur du célèbre Elixir, capable de tout guérir.

Le Nemorino de justifie à lui seul cette reprise parisienne. Son « Quanto è bella, quanto è cara » se joue des périlleux changements de registres, même si la couleur trop uniforme laisse çà et là quelques regrets. est une Adina piquante et enlevée. Le souci constant de décrocher des aigus parfaitement en place, se traduit par une relative atonie dans la projection et une spontanéité de jeu assez terne. Le Belcore de se tire aisément des chausse-trappes de son « Come Paride vezzoso » tandis que l'inamovible fait rutiler son Dulcamara dans le souvenir de ses plus grands Falstaff.

Finement ciselé par le vétéran orfèvre , l'orchestre de l'Opéra national de Paris déroule une italianità très vive et colorée… parfaitement en phase avec la turbulence de la scénographie et l'humour mordant de Donizetti.

Crédits photographiques : © Vincent Pontet / Opéra national de Paris

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