- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Délirante italienne de Laura Scozzi au Capitole de Toulouse

De son passé de chorégraphe, a gardé le désir de mettre en scène les corps, avec cette dose d'humour et d'énergie qui signe chacune de ses mises en scène. Sans doute trop provocante pour une partie du public favorable à une certaine « tradition », cette Italienne à Alger s'inscrit dans la droite ligne des Indes Galantes données dans ce même Théâtre du Capitole en 2012.

En déplaçant l'intrigue dans un Maghreb transformé en pays d'accueil pour émigrés économiques européens, la mise en scène adresse un pied de nez à une actualité d'ordinaire peu souriante.

Comme le rappelle Michel Lehmann dans le passionnant livret de présentation, le comique rossinien procède des rouages dramatiques et non de la situation. Si exagère le trait pour illustrer l'obsession sexuelle de son Mustafà, c'est bien l'enchaînement et l'incongruité des péripéties qui fonctionne à plein pour déclencher un rire bon enfant. N'en déplaise aux pisse-froids de service, les allusions aux frasques politico-érotiques ne sont que l'écho amoindri d'une actualité télévisuelle voyeuriste et lugubre. On ne s'étonnera donc pas de voir défiler en filigrane à une action débridée les fantômes de DSK et Berlusconi, figures tutélaires d'une prostitution mondaine et légalisée.

Le fil rouge érotique est rehaussé par la présence d'un couple de figurants, mimant d'impayables scènes de ménage dans la veine du comique de répétition. Ces déclinaisons autour du thème de l'amour vache parasitent à la longue l'équilibre de certaines scènes-clés, dont le fameux dérèglement furieux qui conclut l'acte I. La turquerie vire au marivaudage burlesque, rappelant à bon escient que le désir n'est pas l'apanage de la gent masculine et qu'il ne s'agit pas de le rabaisser à une simple consommation.

Le plateau vocal est à la hauteur des exigences de la direction d'acteurs, à commencer par la succulente et « formosa » Isabella incarnée par . Le galbe velouté de son « Per lui che adoro » est remarquable d'effet et de moyens. est un Mustafà de premier ordre, parfaitement à l'aise dans ce costume de bey fellinien. La voix est bien projetée, avec un délié à la fois dense et très sombre. campe un Lindoro à l'italianité assez corsetée mais très en place dans la ligne et le vibrato. Malgré d'évidents moyens, l'Elvira de peine à s'imposer véritablement. Assez terne de projection, elle cède en présence et en caractérisation à la Zulma énergique de . est un Taddeo bon enfant, aux pitreries efficaces et volubiles, tandis qu' joue à l'envi sur le registre de l'humour noir pour incarner l'autoritaire Haly. Des lauriers enfin pour l'admirable chœur du Capitole, maintenant au même niveau le contraste et la cohésion.

ne force pas son talent pour imposer son Rossini à une fosse aux petits oignons. Les accents sont vifs mais pas délirants, avec une brillance très nette et une palette de couleurs remarquables du côté des cordes et de la petite harmonie. Champagne.

Crédits photographiques : © Patrice Nin

(Visited 1 650 times, 1 visits today)