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Christoph Prégardien, le roi Idoménée avec Kent Nagano

Pour une version de concert d'Idomeneo, et accompagnent Prégardien père et fils.

Pour les plus lettrés, Ingolstadt fut l'une des capitales des ducs de Bavière, qui y fondèrent en 1472 la première université de leurs États ; pour les autres, Ingolstadt est Audi, comme Clermont-Ferrand et Sochaux sont (ou furent) Michelin et Peugeot. La marque automobile affirme sa présence dans la ville de toutes les manières possibles, et notamment par la culture : les concerts estivaux sont une institution, qui fait venir à Ingolstadt des musiciens de tout premier rang.

L'événement de 2016 est cette version de concert d'Idomeneo (on qualifiera poliment la mise en place semi-scénique du décorateur Peter Schmidt de dérisoire). La soirée est notamment l'occasion de distribuer dans les rôles d'Idoménée et de son fils Idamante MM. Prégardien père et fils. Autrefois, on aurait simplement transposé pour ténor la version courante de la partition ; heureusement, a choisi de diriger la version viennoise arrangée en 1786 par Mozart lui-même pour un très aristocratique concert privé. On peut ainsi entendre dans leur contexte les deux scènes spécialement écrites pour cette occasion, la scène et air d'Idamante Non temer, amato ben, KV 489, avec son impressionnant violon concertant, ainsi que le duo Spiegarti non poss'io, KV 490, et rien que cette possibilité vaut le déplacement. D'autant que les interprète avec souplesse et précision émotionnelle : une vraie interprétation d'opéra, et pas le déchiffrage un peu laborieux qui desservent souvent les raretés exhumées le temps d'un concert.

Il y a dix ou vingt ans, voir un chef blanchi sous le harnais symphonique le plus classique diriger un orchestre baroqueux, qui plus est avec une baguette, aurait passé pour une improbable vision. C'est pourtant ce que font ce soir en toute fluidité et . Mozart n'est pas le répertoire le plus habituel de Nagano, dont le Don Giovanni à l'Opéra de Munich n'avait pas été la plus grande réussite ; et , à force de volonté d'expression, pèche parfois par trop de rugosité, voire de brutalité : la réunion des deux aurait pu mal se finir. Sans doute l'énergie déployée est parfois un peu nuisible aux équilibres mozartiens, sans doute il est dommage d'accélérer autant ce sommet mozartien qu'est le quatuor « Andrò rammingo e solo », mais l'ensemble de la soirée reste équilibré, et Nagano sait faire bon usage des instruments anciens et de leurs sonorités distinctives.

Prégardien d'abord

a tout d'une bonne Ilia, le bon format, la bonne technique, mais hélas pas beaucoup d'idées sur un personnage ici très terne ; , elle, a un matériau superbe qu'on n'entend plus tous les jours chez Mozart, pour qui on préfère aujourd'hui des voix plus légères, mais son style passe-partout pauvre en nuances amoindrit l'intérêt de son interprétation.

Les plus grands moments de la soirée, comme on pouvait s'y attendre, sont dus à . Dans cet opéra qui est la corne d'abondance du récitatif accompagné, son sens de la déclamation forgé aux passions de Bach fait évidemment merveille. Mais il choisit aussi de ne pas chanter la version simplifiée de l'air « Fuor del mar », mais la totalité des terribles difficultés qu'impose la version originale : l'air le met à rude épreuve, c'est vrai, mais il vient à bout de l'essentiel des défis qu'il pose. Il faut parfois accepter, à l'opéra, de tels petits accrocs quand la science de l'interprétation parvient à de tels sommets.

Crédit photographique : © Audi Sommerkonzerte

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