L'Opéra national de Paris retrace sur un mode chronologique soixante-dix ans de relations de travail avec les chorégraphes américains, de George Balanchine à William Forsythe, dans une exposition richement documentée de photos et de vidéos.
La guerre à peine terminée, le Ballet de l'Opéra de Paris tisse de nouveaux liens avec les chorégraphes qui travaillent aux États-Unis, afin de dynamiser et renouveler son répertoire. George Balanchine, qui s'est installé à New York et a acquis la nationalité américaine, répond en 1947 à l'invitation de l'Opéra de Paris pour monter Le Palais de cristal. Ce sera le premier d'une longue et fructueuse collaboration…
L'exposition Chorégraphes américains à l'Opéra de Paris retrace les principales périodes aux cours desquelles la danse américaine a pu durablement s'ancrer dans la compagnie française, élargissant ses savoir-faire techniques, son répertoire et ses inspirations stylistiques. Les premiers échanges, de 1947 à 1972, permettent d'accueillir le principal orfèvre du renouveau classique outre-Atlantique, George Balanchine. Outre Le Palais de cristal, il donnera à la compagnie des chefs-d'œuvre comme Les quatre tempéraments, Concerto Barrocco ou Symphonie, dont on peut admirer les maquettes de décor et de costumes. Seule incursion de la danse jazz dans ce répertoire néoclassique, le passage de Gene Kelly qui montera Pas de dieux pour Claude Bessy en 1960. Il s'exprime à la télévision dans un français parfait !
La période de l'expérimentation, de 1973 à 1980, signe l'ouverture à la danse contemporaine américaine : Jerome Robbins (En Sol, Circus Polka, Afternoon of a faun), Balanchine à nouveau (Agon, Sonatine, Divertimento n° 15, Tzigane) et surtout Carolyn Carlson, nommée « étoile-chorégraphe » puis directrice du Groupe de recherche théâtrales de l'Opéra de Paris (GRTOP) dans lequel elle accueillera Caroline Marcadé, Dominique Petit, Dominique Mercy ou Malou Airaudo à la Rotonde des Abonnés. Ce creuset créatif bouleversera la maison et permettra d'y inviter Merce Cunningham, dont on peut lire les notes de création, Paul Taylor ou Alwin Nikolaïs.
Éclectisme et pluralité caractérisent les années 80, pendant lesquelles Rudolf Noureev, directeur de la danse, systématise l'alternance de ballets classiques et contemporains, en multipliant les invitations prestigieuses de chorégraphes étrangers. Le GRCOP de Jacques Garnier succède au GRTOP de Carolyn Carlson, et met l'accent sur la recherche avec Andy De Groat, Lucinda Childs, Twyla Tharp… ou encore William Forsythe. Les créations de ce dernier, comme In the middle, somewhat elevated, avec Sylvie Guillem et Laurent Hilaire, en mai 1987, marqueront durablement la compagnie.
Les œuvres des chorégraphes américains forment aujourd'hui et depuis le début des années 90 un répertoire vivant, qui s'enrichit régulièrement de reprises (à l'instar des nouvelles productions du Palais de cristal ou de Joyaux de George Balanchine, avec des costumes de Christian Lacroix) et de créations, voire d'entrées au répertoire. C'est ainsi que l'on pourra voir, certes tardivement, Lamentation de Martha Graham ou Fall River Legend, d'Agnès de Mille, compléter et élargir le patrimoine dansé du Ballet de l'Opéra national de Paris.
L'exposition, richement et abondamment documentée, présente de nombreuses photos et vidéos des spectacles ou d'émissions de télévision, mais aussi des maquettes de décors et des costumes, certains costumes portés à l'occasion de productions récentes, ainsi que quelques affiches d'époque. En revanche, faute d'articles de presse, d'échanges épistolaires ou de témoignages de danseurs, elle ne permet pas suffisamment de se replonger dans l'atmosphère de bouillonnement créatif de ces soixante-dix années d'échanges intenses et d'en apprécier l'impact, à la fois sur le public français et sur la compagnie. Dommage !
Photos : © Opéra national de Paris