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30 ans de Passions toulousaines

, , fête cette année ses trente ans d'existence en mettant à l'honneur les musiques du Baroque méridional.

Après avoir apprécié les grands motets versaillais au Théâtre du Capitole à Toulouse, nous découvrons l'œuvre d'. L'enregistrement du concert donné à Montpellier en juillet dernier pour le festival de Radio France est consacré à trois motets à grand chœur composé à Versailles. Outre cette résurrection entre un style italien et un souffle dansant provençal, c'est surtout la consécration de deux formations baroques d'excellence que sont Les Éléments et .

Voici la première question que l'on se pose après l'écoute de ce disque : pourquoi n'avions-nous pas entendu la musique de Blanchard auparavant ? La faute à qui ? A Louis XV peut-être… Il est vrai que les Louis ont donné une grandeur certaine à la musique de Versailles, mais même si le Souverain et la Reine assistaient tous les jours à la messe du Roi (vers 10h) et à la messe de la Reine (vers 12h30) où les Grands motets étaient interprétés, ne nous le cachons pas, Louis XV était beaucoup plus enclin à la chasse qu'à la création artistique de ses contemporains. La faute à sinon ? La Chapelle Royale, centre privilégié de la musique sacrée, comptait à sa tête les grands noms de la musique baroque française parmi les sous-maîtres dont Blanchard faisait partie. Au sein de ces musiciens servants par quartier de janvier, d'avril, de juillet et d'octobre, tenait le rôle de Primus inter pares (le favori du roi) contribuant peut-être à faire oublier le travail de Blanchard dans cette fonction entre 1738 et 1764. Mais est-ce que ce ne serait pas plutôt en raison de la fascination portée par les musicologues et artistes pour le Roi Soleil au détriment de l'activité musicale de la Cour sous Louis XV ? Le seul fait notable restant le travail du directeur artistique du Centre de musique baroque de Versailles, avec La Musique à la cour de Louis XV. (1690-1760) : une carrière au service du Roi (Centre de recherche du château de Versailles/Presses universitaires de Rennes, janvier 2016). Ou alors parce qu'ils ont limité les figures du Grand Motet à Lully, Charpentier et Delalande au détriment de Blanchard ? Preuve en est lors des Grandes Journées de Versailles de 2007 consacrées à la musique sous Louis XV où aucune pièce du compositeur n'a été programmée.

Pour que cette musique arrive jusqu'à nos oreilles, certains ont bien porté et défendu l'ancien maître de chapelle de Marseille. La première est la reine Marie Leszczynska pour les funérailles de laquelle Blanchard dirigea son De Profundis (ce sera d'ailleurs sa dernière prestation officielle). À l'époque, pour trouver une oreille attentive et un soutien, les musiciens ne se sont pas tournés vers le monarque mais vers sa Reine et ses favorites. Alors que Madame de Pompadour se faisait construire à la Cour un théâtre privé pour assouvir son goût pour l'opéra, la vielle à roue de Marie Leszczynska était régulièrement le dernier instrument à résonner le soir dans le château. Nous pouvons également remercier certains interprètes et musicologues qui se sont intéressés (tardivement) à cette musique : le ténor par exemple mais surtout la musicologue Bernardette Lespinard, auteur d'une thèse sur Blanchard. In fine, notre reconnaissance se tournera surtout vers le fondateur des Passions et vers le chœur de chambre Les Eléments dirigé par , qui donnent vie de façon brillante à ces œuvres oubliées.

C'est donc une véritable renaissance à laquelle on assiste grâce à , bien entouré par de grands spécialistes de ce répertoire, autant pour les solistes (, , et ) qui atteignent chacun la perfection comme dans In exitu Israël, que pour le chœur (les polyphonies très soignées et les homophonies grandioses ancrent Les Eléments au plus haut niveau). Sous la baguette d'un chef minutieux (sa note sur la restitution et l'interprétation de ces œuvres dans le livret du disque est captivante !), l'orchestre est vif, dynamique dans le respect des techniques anciennes de jeu et offre une palette d'effets sonores singulière dans le motet In exitu Israël. Passionnés et passionnant (tout comme l'analyse musicale de Bernadette Lespinard dans le livret), nous ne pouvons que nous laisser entraîner avec délectation dans cette esthétique simple et naturelle traduisant les inspirations du cœur humain.

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