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Mélancolie de Dowland à l’église des Billettes

L'ensemble de violes Sit Fast a fait résonner la musique anglaise élisabétaine mais également actuelle () dans l'église luthérienne des Billettes. Les rares Lachrimae or Seven Tears de étaient à l'honneur.

Conçues pour cinq parties instrumentales, ces Lachrimae tiennent une place particulière dans l'histoire de la musique. À l'instar de ces contemporains, Dowland exploite les richesses de la polyphonie instrumentale : en début de concert, In Nomine, de son aîné Willima Byrd, en donne déjà un bel exemple. Mais Dowland développe cette polyphonie de manière unique en créant sept déclinaisons du thème Flow my tears, par la suite célèbre dans sa version pour voix et luth. Le premier Lachrimae Antiquae expose ce thème au dessus de viole, dont le chant offre l'expression même de la lamentation, tel une voix humaine, sous les doigts du chef . Ce thème fait ensuite l'objet de variations subtiles et de modulations, dans les Lachrimae suivantes. Les voix s'imbriquent et se répondent au point de perdre le fil de ces échanges. Cette impression est favorisée par une configuration plaçant le dessus de viole au milieu des musiciens, par l'interprétation claire et précise de l'ensemble et aussi par l'acoustique sans trop de réverbération de cette église.

À ces qualités s'ajoute l'expressivité des musiciens : chaque phrase, chaque séquence ponctuée d'une pause, se déroule sans raideur, avec un beau sens de la respiration et des nuances. Le timbre de ces cinq violes réunies, sans intervention d'un luth ou d'un autre instrument, comme nous pouvons le voir parfois, donne également une couleur toute particulière à l'œuvre.

Pour commencer le concert, la mezzo-soprano mêle sa voix aux parties instrumentales, dans deux pièces des Consort Songs de . Après un temps de chauffe, elle est plus convaincante dans le gai Rejoice unto the Lord. Nous regrettons seulement que le texte soit parfois peu compréhensible. C'est surtout en fin de concert, dans Upon Silence, pièce composée par en 1990, que se révèle la plus émouvante, avec un sens du récit qui donne vie au poème de Yeats mis en musique. Après la musique feutrée de Dowland, Upon Silence surprend par son énergie, son atmosphère légèrement inquiétante (non sans rappeler Britten) et surtout dans sa façon d'utiliser toutes les possibilités de ces instruments (frottements, pizzicatos, forte, tremolos…).  Nous avions d'ailleurs pu l'entendre par le au Pays de la Meije en 2013. En bis, la petite pièce Silver Swan d'Orlando Gibbons (1583-1625) offre un dernier retour à la douce mélancolie qui domine le concert.

Après le concert du Sestina Consort au Festival de Ribeauvillé 2016, le nous donne ainsi un nouvel exemple de la beauté et de la poésie de ce répertoire.

Crédits photographiques (c) Jérôme Prébois

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