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À Verbier, pâle Salomé

En ouverture de cette 26e édition du Verbier Festival, cette Salomé de scelle la fin des neuf années du mandat du chef suisse à la tête du . Chaleureuse ovation finale d'un public plus attaché à la personne de qu'à sa performance musicale.

Comparaison n'est pas raison. Toutefois, au risque d'asséner un cliché assez mal vu à notre époque, c'était mieux avant ! En août 2010, le festival de Verbier présentait une délirante Salomé en version de concert sur cette même scène. Une soirée marquante que ceux qui y ont assisté ne sont pas prêts d'oublier. D'autant plus que rien dans cette soirée ne rappelle ce que Valery Gergiev et Deborah Voigt, entre autres, avaient offert alors. Si le feu d'un Valery Gergiev est incomparable, si sa peinture viennoise de l'œuvre avaient alors fait merveille, on pouvait attendre d'un une plus grande implication dans sa direction d'orchestre et qu'il sorte de ses gonds un appliqué mais sans génie. Le chef suisse, le visage souvent planté dans la partition, s'en tient à une lecture consciencieuse de l'œuvre. Si toutes les notes ont certainement été jouées, elles le furent sans grandes couleurs. La sublime musique straussienne de la Danse des sept voiles manquait terriblement de sensualité et celle précédant l'arrivée de Jochanaan de caractère et de grandeur.

Du côté des chanteurs, cette pâleur ambiante, cette indolence semblent avoir envahi le rôle-titre. Si on ne peut vraiment reprocher à (Salomé) de ménager sa voix pour l'assassin air final, on aurait aimer qu'elle s'implique un peu plus dans l'esprit du personnage. Avare du geste, sa vocalité trop sage (même si sans faille) ne suffit pas à crédibiliser l'héroïne sanguinaire de la légende galiléenne. Quand bien même une version concertante n'offre pas les espaces théâtraux qu'une scène donne aux protagonistes, on pouvait espérer qu'un jeu, aussi minime soit-il, puisse caractériser un personnage aussi extraordinaire que Salomé.

C'est pourtant ce que font avec brio la mezzo-soprano (Hérodiade) et le ténor (Hérode). Si l'étonnante timidité vocale des premiers instants laisse songeur, s'avère bientôt habitée d'une force interprétative dévastatrice. Quelle hargne, quel souffle, quelle conviction dans son interprétation ! Admirable figure de la détestation de son mari qu'elle rabroue d'une voix volontairement forcée. De son côté, le ténor allemand galvanise le plateau avec une projection vocale claire et une prononciation impeccable. Quelle aisance, quel entregent, quel talent d'acteur ! Ne se ménageant aucunement, il occupe le devant de la scène avec autorité. Vitupérant, excité, prenant tous à témoin, il impose un personnage antipathique à souhait. Probablement le meilleur interprète actuel du rôle.

Malgré son impressionnant instrument vocal, le baryton-basse lituanien (Jochanaan) ne parvient pas à convaincre semblant peu soutenu par l'orchestre. Il faudra attendre son apparition sur le devant de la scène et son duo avec Salomé, pour apprécier le peut-être seul moment d'émotion de cette soirée. L'ampleur de la voix, la beauté du timbre, la générosité du phrasé font ici merveille.

À l'image de l'orchestre, le ténor (Narraboth) chante tout à fait correctement mais là encore sans grande conviction.

Aux derniers accents de cette Salomé, comme on le voit de plus en plus souvent, sans pour autant que cela se justifie, c'est une standing ovation qui salue cette performance. Du milieu de l'orchestre, un grand calicot est déployé saluant le chef d'un grand « Merci Charles » en signe de respect au travail que Charles Dutoit a réalisé durant les neuf années à la direction du .

Crédit photographique : © Aline Paley

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