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Tosca d’exception à Vienne avec la prise de rôle de Piotr Beczała

Après plus de six cents reprises, la mise en scène de Tosca de pour le Wiener Staatsoper offre encore et toujours de splendides soirées, avec pour cette saison la prise de rôle de .

En 2016, les reprises de la luxueuse production viennoise de pour Tosca avait fait parler après le bis d'E Lucevan Le Stelle par Kaufmann, lorsque n'était pas revenue à temps pour lui donner la réplique. Après cette nouvelle session de reprises en 2019, les Viennois finiront sans doute par croire que a véritablement écrit deux fois l'air dans l'opéra, tant les applaudissements ininterrompus pendant plus de trois minutes imposent au ténor présent sur scène de le donner lui aussi une seconde fois.

Cet été à Bayreuth, nous avait précisé son plan d'évolution avec pour point d'orgue Otello dans quelques années, sans continuer à s'orienter vers les rôles wagnériens plus tendus, trop à risque pour maintenir la qualité de sa voix. Depuis le début de la saison, cette gestion de carrière montre le sans-faute réalisé par l'artiste polonais de cinquante-deux ans et sa maturité pour aborder aujourd'hui tous les rôles latins avec un rare niveau d'exception : du Faust de septembre à Madrid au Maurizio d'une Adriana Lecouvreur anthologique à New-York en décembre. Son développement dans le répertoire puccinien avec la prise de rôle de Mario Cavaradossi trouve le même niveau dès la première scène, d'une vitalité et d'une tenue jamais entendues depuis des années, même par les spécialistes du rôle, Kaufmann ou Meli, ce malgré le fait que Beczała utilise encore sa tête pour traiter ce rôle neuf, quand on sent dans le même temps à quel point il le porte déjà dans ses tripes et son cœur. Le duo suivant avec Tosca comme les échanges avec Scarpia à l'acte II, puis l'air précité au III, bissé avec une sensibilité encore plus élevée qu'à la première occurrence, propulsent indubitablement le ténor parmi les Cavaradossi les plus marquants.

Face à lui, Floria Tosca n'est autre que l'une des plus grandes interprètes actuelles du rôle. utilise ici toute sa puissance avec un aigu éclatant dont le vibrato ne dénature jamais la ligne, en même temps qu'elle use de son habituel contrôle du souffle, comme au Vissi d'Arte, tenu sur un filin dans les dernières mesures et très applaudi – bien que pas assez pour justifier d'être bissé lui aussi. avait affiché quelques carences lors de ses dernières apparitions et s'il était limité en 2014 dans l'inchantable Mandryka de Strauss, sa courte prestation parisienne en septembre 2017 n'avait pas rassuré. Il retrouve un tout autre degré d'expression à Vienne avec un Scarpia certes limité en souffle, mais d'une noblesse et d'une stature à même de profondément humaniser le personnage, par un chant traité comme une véritable déclamation et un jeu d'acteur superbement réaliste jusqu'à la magnifique scène de meurtre. L'Angelotti de démontre une belle assise de graves et une véritable présence en scène parmi les décors massifs et classiques de superbe facture de la production tutélaire, au côté du Sacristain doucereux d'Alexandru Moisiuc, du dynamique Spoletta de Benedikt Kobel, du Sciarrone au timbre mordoré d'Igor Onishchenko et du Pâtre lyrique en coulisse de Rebekka Rennert.

Un plateau idéal aurait suffi à porter à un haut niveau cette représentation, mais pour en faire une grande soirée, il fallait également un chœur comme celui du Wiener Staatsoper, superbe de couleur en scène comme de mystique lorsqu'il chante des coulisses. En fosse, la direction idéale d'énergie et de flamme de face à un Orchester der Wiener Staatsoper en fusion permet de magnifier l'action à tous les instants. Mais face aux Wiener, il pénètre d'un geste ample dans toute la splendeur de la partition sans risquer jamais de l'alourdir. Loin d'en fuir ses composants faciles tels certains forte ou l'émotion tirés des amples nappes de cordes, il s'y intègre au contraire en donnant à l'orchestre une teinte sombre et grave lors des scènes les plus dures, pour accompagner les autres d'un magnifique lyrisme. Le volume sonore sans concession ne limite jamais le plateau, mais procure au contraire une énergie qui contribue à dynamiser la phénoménale distribution.

Crédits photographiques © Wiener Staatsoper GmbH / Michael Pöhn

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