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À Aix, grandeur et décadence sur grand écran dans la ville de Mahagonny

Une affiche de choix pour un opéra qui fait son entrée dans la programmation aixoise. Et pourtant, Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny ne tient pas toujours ses promesses.

Ce qui marque le plus dans cette production est une mise en scène autant vide de sens qu'écrasante. L'emploi de la vidéo d' révélait déjà ces failles pour le Boris Godounov présenté à Paris l'année dernière. Ici, le metteur en scène ne s'est apparemment intéressé ni à l'univers qu'il souhaitait rendre, ni à la portée universelle du message de Bertolt Brecht et . Il semblait pourtant si facile d'affirmer tous les travers d'un « argent roi » dans une société capitaliste aujourd'hui toujours présente !

La facilité, s'y fourvoie sans hésiter par le biais d'un vague studio de cinéma seulement construit de trois énormes fonds verts, et surtout d'une vidéo projetant un live tellement vu et revu sur trop de plateaux lyriques, et caractérisant par une réalisation sans intérêt et des images bien laides. Cela pourrait retranscrire le contexte historique dans lequel la ville où « tout est permis » s'inscrit, mais brouillonnée, peu fouillée voire simpliste, l'approche scénique molle dessert autant les interprètes que l'œuvre elle-même et ne fait qu'éprouver ennui et lassitude.

L'appréhension générée par ce peu de considérations devient encore plus grande quand on constate que l'orchestre, massif sous la baguette d', donne peu de place à des chanteurs qui doivent s'adapter à une acoustique difficile marquée encore plus par un plateau totalement vide. L'équilibre entre le plateau est la fosse se construit au fur et à mesure de la représentation, laissant apprécier à sa juste mesure la richesse et la variété de la partition où se mêlent de multiples influences, et cela par une direction vigoureuse particulièrement juste lors des passages orchestraux illustrant l'arrivée de l'ouragan ou dans des rythmes plus chaloupés.


La présence de dans cette distribution vocale comble les nostalgiques, sa ne manquant certainement pas de tempérament. Ses acolytes, Sir (Dreieinigkeitsmoses) et (Fatty) complètent de façon homogène ce trio de choc. Jim Mahoney, Nikolaï Shukoff le connaît bien pour s'y être illustré dans la mise en scène de Laurent Pelly. Ce soir, le ténor démontre un certain métier pour combler une direction d'acteurs bien faible. Musicalement, Nikolaï Shukoff se révèle aussi solide qu'on l'attendait malgré les difficultés soulignées plus haut, son allure de vaurien répond à la gouaille et au mordant de la Jenny Hill d'.

Impérieux, le chœur Pygmalion est l'une des premières forces du spectacle, le seul à ne pas véritablement fléchir face aux éléments qui l'entoure. Sa précision et son impact font l'objet de chaleureux applaudissements au moment des saluts alors qu'Ivo von Hove essuie quelques contestations sonores qui ne feront pas oublier les qualités musicales de cette production.

Crédits photographiques : © Patrick Berger/Artcompress

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