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François-Xavier Roth dirige l’Orchestre de Paris et Lise Davidsen

En 1986, chante les Quatre derniers Lieder de avec l'. S'apprêtant à les diriger ce soir avec à son côté, et les musiciens de l'orchestre invitent le public à observer une minute de silence en hommage à l'immense soprano américaine.


Le concert débute avec Passacaglia d', la première partition que le Viennois inscrit à son catalogue. L'écriture regarde vers le modèle brahmsien de la variation, celui de la chaconne qui referme la dernière symphonie du maître ; mais c'est paradoxalement l'élan vertical, cette prodigieuse tension des lignes vers la culmination, qui ressort de l'interprétation de , faisant ressortir la dimension expressionniste de cette pièce aussi courte que concentrée : une vision personnelle sous un geste très énergétique qui met d'emblée au défi les musiciens de l'.


Straussienne et/ou wagnérienne? nous a beaucoup impressionnés à Bayreuth où elle incarnait une Elisabeth toute en noblesse et en nuance, dans la nouvelle production de Tannhäuser. Encore peu connue du public français, la jeune soprano norvégienne à la stature impressionnante est sur le devant de la scène pour chanter l'ultime partition vocale de (1949). Quatre derniers Lieder, quatre mélodies regroupées et éditées post-mortem, où le compositeur du Chevalier à la Rose s'empare des poèmes d'Hermann Hesse et d'Eichendorff pour faire une fois encore ondoyer librement sa ligne mélodique sur les textures somptueuses de l'orchestre. Puissante et superbement timbrée, servant à merveille la musique de Wagner, la voix de manque étonnement de flexibilité et d'homogénéité au sein d'une écriture au profil ornemental et virtuose, pour laquelle on attend plus de fluidité et d'acuité dans l'articulation. Si l'orchestre trouve d'emblée l'élan et le velours de ses sonorités, la voix déçoit dans Frühling, peu en phase avec le mouvement orchestral. Le registre grave est constamment en retrait dans September et le legato mis à mal, quand le cor nous comble avec son solo très crépusculaire. Le chant se déploie plus librement, la diction est plus claire dans Beim Schlafengehen (L'heure du sommeil) où l'on mesure l'ampleur de la voix et le voluptueux du timbre dans le registre médium-aigu. Des qualités qui se retrouvent à l'orchestre dans la très belle introduction de Im Abendrot (Au soleil couchant), tandis que Lise Davidsen ne nous convainc pas davantage, en l'absence d'une véritable ligne de chant et avec une façon systématique d'enfler les sons qui insupporte. Plus wagnérienne que straussienne assurément, pour l'instant tout du moins.

a choisi la version originale (1911) du ballet Petrouchka pour la deuxième partie du concert, partition complète donc, qui permet d'entendre, dans la dernière partie surtout, quelques belles pages d'orchestre supprimées dans la révision de 1947. Le début est pris à vive allure, trop vive à notre goût, Roth privilégiant l'énergie et les nervures rythmiques au détriment de la couleur et d'une certaine rusticité de la matière. Paradoxalement, on aurait aimé que ce petit théâtre de sons s'anime de manière plus pétillante lors des scénettes que Stravinsky confie aux solistes ; et malgré la qualité des timbres (la flûte transparente de Vicens Prats, la trompette haute du jeune Célestin Guérin, le basson gouailleur de Giorgio Mandolesi, etc.) on finit par s'ennuyer « Chez Petrouchka » tandis que la Danse de la ballerine et la Valse du Maure et de la Ballerine, si subtilement instrumentées, manquent de saveur et d'acidulé. Le final est sans aucun doute le meilleur instant de la soirée, avec le retour des danses (celle « des cochers et des palefreniers » nous rappelant la superbe chorégraphie de Michel Fokine) qui ont cette fois leur épaisseur et leur vigueur roborative et où l'on sent une véritable synergie entre le chef et ses musiciens.

Le courant passe entre François-Xavier Roth et l'. En lice pour la succession de Daniel Harding au poste de directeur artistique de la phalange parisienne, le chef, applaudi ce soir par les musiciens, reste, on l'espère, un candidat des plus en vue.

Crédit photographique : © François Séchet (FX Roth) ; © Ray Burminston (Lise Davidsen)

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