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Villazón à Luxembourg : quand Rolando raconte…

À la fois ténor et narrateur, use de tout son charme pour séduire le public de la Philharmonie de Luxembourg. Prestations remarquées de la soprano , du pianiste et de la cheffe .

Le concert-narration est-il une formule d'avenir ? Avec un speaker célébrissime de la stature de , figure internationale de la musique classique capable de s'exprimer couramment en cinq langues, le procédé peut avoir du bon. Le sujet toujours passionnant des voyages de Mozart est ainsi décliné avec pertinence, vivacité et humour, et il se prête à l'audition de morceaux de musique dont on perçoit mieux que d'habitude les divers liens thématiques et chronologiques. La cohérence du programme est très clairement explicitée par les différents fils d'un récit savamment construit et dit, il faut bien le reconnaître, de manière à la fois plaisante et érudite. Visiblement, Villazón captive un public acquis d'avance qui se délecte sans réserve des plaisanteries, œillades et autres pitreries d'un maître de cérémonies dont on goûte l'énergie inépuisable. Saurait-on mieux promouvoir la musique classique auprès d'un public qui n'est pas forcément le même que celui de programmations plus ambitieuses ?

Les œuvres retenues, qui rassemblent à la fois des grands tubes du répertoire et des pièces quasiment inconnues, composent en tout cas un programme attractif, même si l'on peut regretter, dans le contexte d'un concert de la Philharmonie, la brièveté des extraits. Pas plus d'un mouvement de concerto ou de symphonie n'est ainsi proposé au public. Des pièces courtes se succèdent selon un format qui s'apparenterait davantage à celui d'émissions télé-grand public.

On ne saurait pas nier, cependant, la qualité des interprètes appelés à alterner leurs différentes apparitions. Le jeune pianiste de vingt-six ans , lauréat de nombreux concours internationaux, est sans doute promis à un bel avenir et quoique jouant sur un Steinway moderne, il sait trouver le toucher léger et délicat qui convient aux morceaux on ne peut plus classiques de Mozart, Clementi, … qu'il a la charge d'exécuter. Pour deux soli et deux duos, la soprano suisse fait valoir un timbre joliment fruité, dont la séduisante sensualité convient mieux aux émois de Zerline qu'aux élans de la Giunia de Lucio Silla. La voix, d'une grande fraicheur, manque encore d'assise dans le grave, et l'attaque des suraigus de « Vorrei spiegarvi » pose carrément problème.

On sait depuis des années que rencontre lui quelques soucis dans la maîtrise de son instrument. Quoique annoncé souffrant, il livre ce soir une belle prestation grâce surtout à des choix de répertoire désormais pertinents et judicieux. Privé de la quinte aiguë qui lui permettait autrefois d'aborder les grands rôles du répertoire, il sait choisir des morceaux à la tessiture centrale (chez Haendel notamment) qui évitent les envolées vers le haut de la voix. Si le début du concert fait montre dans le haut médium de quelques difficultés avec la justesse, les ressources illimitées dans l'art de la coloration vocale font littéralement merveille dans les deux airs de Mozart, transformés en petits bijoux de théâtralité. Son « Dove mai trovar quel ciglio ? » du Sposo deluso de Mozart se transforme ainsi en morceau d'anthologie. Le choix du duo Don Giovanni/Zerline laisserait entrevoir une évolution possible, pour les années à venir, vers d'autres rôles de baryton. Papageno n'avait pas été un grand succès… Mais qui sait, peut-être le Figaro du Barbier, ou pourquoi le rôle titre de Don Giovanni, autrefois interprété par Manuel Garcia en personne ? À la tête de l', la jeune cheffe accompagne avec élégance un programme surtout destiné à mettre en valeur les trois solistes.

Crédit photographique : Rolando Villazón et © Alfonso_Salgueiro

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