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L’anamorphose baroque par le Poème harmonique

Prolongement du succès de leur album Nova Metamorfosi paru en 2003, et son Poème harmonique jouent sur l'« art de la perspective secrète » avec Anamorfosi.

Bien connu dans le domaine pictural, l'anamorphose varie selon le point de vue de celui qui l'approche. Ce fil conducteur permet l'écoute d'ouvrages du baroque italien peu connus, et surtout de mettre en lumière la fine fleur de la nouvelle génération de voix, de à , de à .

Pour le Miserere de , qui hante depuis maintenant vingt-cinq ans, la soprano Deborah Cachet interpelle par des aigus irréels à des hauteurs aériennes (contre-ut) soulignés par des dissonances harmoniques marquantes. L'exécution de ce psaume alternant un chœur à cinq et quatre voix sur dix-huit versets destinés aux matines de la Semaine Sainte, est justifié par cette pratique de l'ornementation qui en a fait son adage – probablement plus que la valeur de la composition en tant que telle.  L'impact de cette partition, jalousement conservée par le Vatican, est renforcée par son aspect mystique, avec pour conséquence aujourd'hui que l'on a oublié la forme et la composition originale de son auteur. Dans cette interprétation, choisit des solistes plutôt que des chœurs. Ils surprennent par le renouvellement du discours musical, surchargeant presque l'ornementation pour en souligner les possibilités de métamorphoses. Ils offrent ainsi une approche très personnelle par des improvisations vocales qui maintiennent malgré tout une atmosphère recueillie et démontrent une osmose idéale des timbres. Les improvisations à partir de la ligne fixe du cantus firmus seront aussi le mot d'ordre pour le Domine, ne in furore tuo. Afin de cerner tout l'intérêt de cette proposition, nous conseillons l'écoute de la version d'A Sei Voci (Astrée, 1994), choisissant aussi des solistes pour enregistrer l'œuvre dans ses deux versions, celle épurée habituellement chantée par le chœur de la Chapelle Sixtine qui en a détenu longtemps l'exclusivité, ainsi que celle ornementée.

 choisit quant à elle de se concentrer sur le pathétisme dans Un Allato Messagier de , cette fois-ci un contrafactum où le Lamento de la reine de Suède devient dans cette version une déploration sur la mort du Christ. Le même procédé est également usité dans le Pascha Concerlebranda de Monteverdi toujours en passant du profane au sacré, les interprètes faisant preuve d'une expressivité renouvelée selon les effets et les nuances exprimées, le geste musical mené par Vincent Dumestre se révélant plutôt théâtral, porté par une connexion indéniable entre solistes et instrumentistes.

La délicatesse transmise par le soprano puissant de Deborah Cachet fait de nouveau merveille dans le Si dolce è ‘l martire du maître italien. La ferveur déployée d'une version musicale dont le texte est encore transformé, favorise étonnamment une spiritualité enveloppante. La langueur des prières des pénitents ponctue cette programmation musicale avec Breve è la vita nostra de et Chi fà de où pour ce dernier, chaque duo vocal, Deborah Cachet et puis et , exprime avec intelligibilité et finesse les nombreuses nuances du texte, porté par la sensualité des timbres des quatre chanteurs.

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